Septembre et octobre 2001

Le 11 septembre 2001, les Etats-Unis sont frappés par les plus grands attentats de tous les temps. L'enquête conduit à Oussama Ben Laden, chef terroriste islamiste réfugié en Afghanistan, et son organisation Al Qaïda.
Le 7 octobre 2001, les Etats-Unis et la Grande Bretagne commencent à bombarder l'Afghanistan.

On ne peut qu'être consterné par tant de gâchis tant sur le plan humain que matériel. Mais au-delà de l'émotion de l'indignation, il convient de biezn comprendre la nature profonde de ces évènements et d'analyser les causes profondes qui les ont engendrés. On nous les présente comme un combat entre les forces du Bien et les forces du Mal. Le président américain Georges W. Bush a déclaré après les attentats qu'il allait lancer une nouvelle croisade, une guerre du Bien contre le Mal, dans laquelle, selon lui, le Bien triomphera.

Pour avoir le courage de combattre, l'homme a toujours eu besoin de se sentir soutenu par des puissances supérieures. Dans les temps polythéistes c'était simple : tel dieu soutenait telle cité, tel autre dieu telle autre cité. Les dieux se faisaient la guerre par l'intermédiaire des hommes.

Depuis l'avènement du monothéisme, ce n'est plus possible. Il n'y a qu'un Dieu, il ne peut soutenir qu'un camp. Il n'y a qu'une vraie religion, les autres sont de fausses croyances. Il n'y a qu'une Vérité absolue, le reste est mensonge. Il n'y a qu'un Bien absolu, le reste est le Mal absolu. Le relatif, la lutte d'un camp contre un autre, est érigé en absolu, la lutte du bien contre le mal. D'où l'importance pour les médias de ne montrer que les bons côtés de leur camp et les mauvais côtés du camp adverse, comme on l'a déja vu lors des guerres du Golfe et de Yougoslavie. Evidemment, ce qui est considéré comme le Bien absolu par un camp est le Mal absolu pour l'autre camp et réciproquement.

L'attitude antique de polythéisme était plus respectueuse de l'adversaire, on le combattait mais on respectait son droit à combattre pour sa cause. Aujourd'hui, on lui refuse toute légitimité.

Notre société se veut pacifiste mais la nature humaine est solidement implantée. Quand on veut faire la guerre, on arrive toujours à déformer la réalité pour lui faire dire que la guerre est nécessaire pour créer les conditions d'une paix durable.

Depuis l'admirable victoire de l'intérieur, sans guerre, du camp occidental sur le camp soviétique, les oppositions se focalisent actuellement entre les occidentaux et les islamistes, le principal foyer de cette opposition se trouvant en Palestine. C'est une lutte inégale, forts contre faibles, technologie contre foi, missiles contre pierres et cutters, frappes aériennes contre terrorisme, l'arme des faibles dans cette guerre qui n'a pas été déclarée le 11 septembre 2001.

Elle a commencé bien avant, comme l'a expliqué Oussama Ben Laden sur la chaîne de télévision qatarie Al Djazira :

"Voici l'Amérique frappée par Dieu tout-puissant à l'un de ses organes vitaux, ainsi ces bâtiments les plus prestigieux sont détruits. Grâce et gratitude à Dieu. L'Amérique a été remplie d'horreur du nord au sud et de l'est à l'ouest et, que Dieu en soit remercié, ce que l'Amérique expérimente maintenant n'est qu'une copie de ce que nous avons expérimenté.

"Notre nation islamique a vécu la même chose depuis plus de 80 ans d'humiliation et de honte, ses fils ont été tués et leur sang a été versé, ses lieux saints ont été profanés.

"Dieu a béni un groupe de musulmans d'avant-garde, fer de lance de l'islam, pour détruire l'Amérique. Que Dieu les bénisse et leur accorde une place de choix aux cieux, car Il est le seul capable et autorisé à le faire. Lorsque ceux-là se sont levés pour défendre leurs enfants affaiblis, leurs frères et soeurs de Palestine et des autres nations musulmanes, le monde entier a rugi, les infidèles suivis par les hypocrites.

"Au moment où nous parlons, un million d'enfants innocents meurent, tués en Irak sans aucun sentiment de culpabilité. Nous n'entendons aucune dénonciation, nous n'entendons aucun édit de la part des dirigeants héréditaires. Aujourd'hui, des chars israéliens saccagent la Palestine, à Ramallah, Rafah, Beit Jala et dans bien d'autres endroits de la terre de l'islam, et l'on n'entend personne élever la voix ou réagir. Mais lorsqu'après 80 ans l'épée s'est abattue sur l'Amérique, l'hypocrisie, tête haute, a plaint ces tueurs qui ont joué avec le sang, l'honneur et les lieux saints de l'islam.

"Le moins que l'on puisse dire au sujet de ces hypocrites est que ce sont des apostats égarés sur le mauvais chemin. Ils ont soutenu le boucher aux dépens de la victime, l'oppresseur face à l'enfant innocent. Je trouve refuge en Dieu contre eux et Lui demande de nous les montrer dans ce qu'ils méritent.

"Je dis que l'affaire est très claire. Après cet événement, chaque musulman (doit combattre pour sa religion), contre les responsables des Etats-Unis d'Amérique, en commençant par le chef des infidèles internationaux (George W. Bush) et son état-major, qui ont étalé leur vanité avec leurs hommes et leurs chevaux, contre ceux qui ont retourné contre nous même les pays qui croient en l'islam, nous, ce groupe qui a recours à Dieu, le Tout-puissant, ce groupe qui refuse d'être contraint au silence dans sa religion.

"Ils (les Américains) n'ont cessé de dire au monde des mensonges en affirmant qu'ils combattent le terrorisme. Dans un pays situé à l'autre bout du monde, le Japon, des centaines de milliers de gens, jeunes et vieux, ont été tués et (ils disent) que ce n'est pas un crime mondial. Pour eux, ce n'est pas une affaire claire. Un million d'enfants (ont été tués) en Irak et pour eux ce n'est pas une affaire claire.

"Mais quand un peu plus d'une dizaine de personnes ont été tués à Nairobi et à Dar es Salaam, l'Afghanistan et l'Irak ont été bombardés et l'hypocrisie trônait derrière la tête des infidèles internationaux, derrière le symbole du paganisme du monde moderne, l'Amérique, et ses alliés.

"Je leur dis que ces événements ont divisé le monde en deux camps, le camp des fidèles et celui des infidèles. Que Dieu nous protège, et vous aussi, d'eux.

"Chaque musulman doit se lever pour défendre sa religion. Le vent de la foi est en train de souffler, le vent du changement est en train de souffler pour chasser le mal de la Péninsule de Mohammed, la paix soit avec lui.

"Pour ce qui est de l'Amérique, je lui dis, ainsi qu'à son peuple, ces quelques mots: je jure devant Dieu que l'Amérique ne vivra pas en paix avant que la paix ne règne en Palestine, et avant que toute l'armée des infidèles ne quitte la terre de Mohammed, la paix soit avec lui.

"Dieu est le plus grand et gloire soit à l'islam."

Les journaux d'informations des radios occidentales n'ont pas diffusé intégralement cette intervention, mais ils ont diffusé celle de Georges W. Bush. Elles n'ont le plus souvent diffusé qu'un extrait du message de Ben Laden, pertinemment tronqué et déformé pour le faire apparaitre comme un fanatique amoral : "L'Amérique ne connaitra plus jamais la paix".

La passivité de Georges W. Bush face à l'écrasement par Ariel Sharon du combat des palestiniens pour leur terre n'est-elle pas aussi coupable que la passivité dont avait fait preuve Ariel Sharon face aux milices chrétiennes à Sabra et Chatila ? Comment expliquer l'impuissance des occidentaux à faire appliquer les résolutions internationales en Palestine quand on connait leur efficacité pour les faire appliquer en ex-Yougoslavie et en Irak, si ce n'est parce que la situation actuelle les arrange ?

D'autre part, la situation rappelle celle de la guerre du Golfe où les Etats-Unis ont d'abord dit que le conflit entre l'Irak et le Koweit ne les concernait pas, mais après l'invasion du Koweit, ils ont envoyé leurs troupes, en profitant ainsi pour renforcer leur présence militaire dans la région. On a entendu dire que des services secrets odccidentaux avaient des informations qui auraient pu leur permettre de soupçonner la préparation d'attentats, mais ils n'y auraient pas accordé suffisemment d'importance. A qui profite le crime ? Les américains vont pouvoir à nouveau renforcer leur précence militaire dans une région géographiquement d'une grande importance stratégique. Bien sûr il est peu probable que les américains aient voulu ces attentats, mais on peut penser qu'ils n'imaginaient pas que ça puisse être quelque chose d'aussi gigantesque, et qu'ils s'attendaient à des attentats plus habituels, moins cataclysmiques.

Le ralliement de la plupart des pays musulmans aux Etats-Unis ne prouve pas qu'il s'agisse d'une guerre du monde entier contre le terrorisme, mais montre l'habileté des Etats-Unis à les convaincre par des arguments sonnants et trébuchants.

Non, ce combat n'est pas celui du Bien contre le Mal, mais simplement celui d'un camp contre un autre. Il faut savoir ce que l'on veut, la guerre ou la paix. Il ne faut pas vouloir le beurre et l'argent du beurre, la paix et les territoire, la domination arrogante du monde et la sécurité.

La guerre ne fait qu'entretenir le terrorisme. Une vraie politique de lutte contre le terrorisme serait une politique de justice et de respect des autres civilisations dans les relations internationales : création d'un état palestinien, fin de l'embargo et des bombardements contre l'Irak, démantèlement des bases militaires en Arabie Saoudite. Faute de revendication légitime non satisfaite, le terrorisme perdrait ainsi toute justification.