Chroniques du troisième millénaire
Décembre 2000
- Lundi 11 décembre : A Nice, les chefs d'états européens s'entendent
sur un accord minimum. On leur reproche d'avoir manqué d'ambition pour l'Europe.
Plus concrètement, on leur reproche de ne pas avoir suffisemment renoncé à
leurs souverainetés nationales. Mais quand on veut supprimer l'heure d'été ou
réduire la TVA sur les disques, l'Europe nous dit que ce n'est pas possible.
Pourquoi faudrait-il vivre partout sous les mêmes lois ? De même que chaque
individu a sa personnalité, chaque peuple aussi a sa personnalité et les lois
devraient refléter ces personnalités au niveau des états et même des régions.
Pourquoi limiter le processus de Matignon à la Corse ? Pourquoi les autres
régions ne pourraient-elles pas également adapter leurs lois à leurs spécificités ?
- Mardi 12 décembre : Georges W. Bush est élu président des Etats-Unis
d'Amérique avec une voix d'avance par les 9 plus grands électeurs du pays.
Cette voix a pesé plus lourd que les 300000 voix d'avance d'Al Gore sur les votes
de l'ensemble des électeurs, mais ce n'étaient que de simples citoyens.
- Jeudi 14 décembre : Jacques Chirac a le mérite d'avoir une vision à long terme.
Il a posé clairement le vrai problème concernant la Corse, celui d'un choix de société :
état centralisé ou fédération de régions, qui ne peut se décider que par un référendum
populaire. Il a également compris que le problème du calendrier électoral ne concerne pas
que les prochaines élections législatives et présidentielles. Il me semble cependant
que si on n'a pas le temps de faire une réforme de fond et qu'il apparait qu'une
inversion (ou un rétablissement) du calendrier serait plus conforme à l'esprit de nos
institutions, on pourrait faire un rafistolage ad hoc pour cette fois, et ça n'empêcherait
pas de préparer une réforme de fond pour les élections qui suivront. On pourrait, par
exemple, permettre une certaine souplesse dans les dates des élections, et permettre
de les avancer ou les retarder de quelques mois par rapport à la date prévue.
- Vendredi 15 décembre : La centrale nucléaire de Tchernobyl est arrêtée.
Il y a quelques mois, un reportage a été diffusé à la télévision, qui défendait l'idée
selon laquelle l'accident a en fait été provoqué par un petit séisme, et qu'on a
inventé la thèse officielle de l'expérience dont on a perdu le contrôle, pour que
l'opinion publique ne sache pas qu'un petit séisme peut faire exploser une centrale
nucléaire.
Pendant ce temps, une babouchka ne
supportant plus de vivre dans un HLM de la banlieue de Kiev est revenue dans sa
cabane à quelques kilomètres de Tchernobyl. Elle a accroché aux murs les portraits de ses
idoles : Brejnev, Gromyko et compagnie. Elle dit qu'elle vivait mieux à l'époque du
communisme.
Il n'y a plus de longues queues devant les portes de magasins presque
vides. Les magasins sont biens remplis de bons produits mais encore
faudrait-il avoir assez d'argent pour les acheter. Un retraité déclare
qu'il visite les magasins comme des musées, pour admirer.
Le pouvoir de l'argent est comme l'eau retenue par le barrage de la dictature
dans les pays communistes : il suffit d'ouvrir une brèche pour que le capitalisme s'y
engouffre, l'agrandisse et finisse par tout emporter. Gorbatchev a ouvert la brèche.
La liberté, c'est aussi la liberté pour les riches d'exploiter les pauvres.
La vraie liberté pour tous n'a de sens qu'avec un minimum de pouvoir et nécessite donc
une juste répartition des richesses.
- Lundi 19 décembre : On n'arrête pas le progrès : voici les
pommes de terre qui clignotent quand elles ont soif, grâce à un gène
de méduse luminescente. Il suffit d'en
semer quelques plants au milieu d'un champ pour savoir quand on doit
arroser. Elles devraient être retirées de la récolte pour la vente.
Quoique... ça aurait sûrement du succès dans les boites de nuit :
"Mademoiselle, je vois que vous clignotez, je vous offre un verre ?"
- Lundi 25 décembre : Ces derniers jours, rares étaient
les émissions de télévisions où l'on ne nous rappelait pas qu'on
devait acheter nos cadeaux.
De même qu'on construit souvent les
églises sur les emplacements d'anciens temples païens, les nouvelles
religions récupèrent les dates des fêtes des anciennes religions.
Il y a des dates sacrées comme il y a des lieux sacrés,
qui bénéficient d'un rayonnement privilégié. Le 25 décembre
est celle où l'on fête le principal dieu de l'époque. Elle a vu défiler
les dieux successifs des sociétés successives : le Soleil, Jésus Christ
et l'Argent. A l'origine fête païenne du retour du soleil après le
solstice d'hiver, Noël est devenu la fête de la naissance de Jésus Christ,
et c'est maintenant essentiellement la fête des cadeaux dans notre
société de consommation.