Café sciences du lundi 26 mars 2001 au Bar des Oiseaux à Nice
Faut-il croire ? Sciences et croyances
Intervenants :
- Jérôme Magail, enseignant en anthropologie à l'UNSA, chercheur au LAMIC
- Audoin Rambaud, magicien
- Animé par Paul Rasse, maître de conférence en sciences
de l'information et de la communication à l'UNSA,
directeur du DESS Médiation et Ingénierie Culturelle, chercheur au LAMIC
La soirée commence par un tour de magie.
Résumé du débat
- Animateur : On pourrait croire que tout est rationnel, que ce qui n'est pas
rationnel n'existe pas. Est-ce qu'il y a des formes de savoir
que les scientifiques ne sont pas capables d'énoncer ?
- Les images subliminales permettent aussi de nous manipuler.
- Denis : Une puissance divine qui ne soit pas sujette à
enfermer les gens, je ne suis pas contre la science, mais quand
j'entend des débats un peu superfétatoires qui relèvent de la méthodique,
(...)
- Jacques : Ca rejoint le dualisme cartésien : il y aurait d'un
côté le domaine de la matière régie par des lois mathématiques bien précises,
et le domaine de l'esprit et de Dieu qui pourrait être considéré comme l'esprit
de l'univers, et qui serait sans loi. Je me demande si ça a vraiment un sens
de considérer quelque chose qui échappe à toute loi. N'y aurait-il
pas plutôt une seule réalité qu'on pourrait approcher par des lois
de plus en plus précises, dans des domaines de plus en plus larges.
Il n'y a aucune raison de dire qu'aujourd'hui on a la théorie ultime
qui décrit l'univers parfaitement. J'ai plutôt l'impression que ce sont des approximations
successives. On pourrait voir l'esprit comme la limite dans cette
suite d'approximations de plus en plus précises de la part
inexpliquée, qui devient de plus en plus restreinte sans jamais
disparaitre complètement.
- Animateur : Ce qu'on ne connait pas à présent, qui nous parait surnaturel, sera
expliqué plus tard par la science.
- Jacques : La magie d'aujourd'hui sera la science de demain.
- Animateur : Dans un tour de magie, les spectateurs
interprètent les gestes de façon erronée.
Dans le texte suivant :
L'été
à la
la mer
on a tendance à lire "L'été à la mer".
- La culture fait percevoir différemment.
On interprète en fonction du découpage en mots de la langue.
La technique aussi découpe la réalité.
La technique qui dépend de la culture interprète le monde,
elle n'est pas le monde.
- Pourquoi croire que la science se rapproche de la vérité ?
- La notion de paradis perdu est dans toutes les religions.
On croit à tort que le réchauffement de la planète provient
des émissions de CO2, alors qu'il provient d'une
augmentation naturelle de l'activité solaire.
- Selon Kant, je ne dois recevoir aucune vérité sans la discuter
avec les autres.
La science crée un immense espace de discussion qui met ensemble les intelligences humaines,
met en discussion l'ensemble des savoirs.
- VOus mettez de côté le côté social de la science.
- De même qu'on a sélectionné les animaux, on a sélectioné les dieux.
(pause)
- Animateur : Les gens du peuple ont-ils des formes de savoir utile ou toute
forme de connaissance est-elle destinée à être contrôlée par les scientifiques ?
- Denis : Je préfère être dans la rue que dans les institutions.
- "Populaire" me choque un peu, on devrait dire "traditionnel".
- Animateur : La science se développe à l'ombre du pouvoir.
Elle doit être dégagée des contraintes matérielles.
C'était l'idée de Ptolémée qui a fait construire la grande
bibliothèque d'Alexandrie.
- Il y a des savoirs qui ne sont pas scientifiques mais
que l'on ne peut pas ignorer, comme la voyance.
- Le scientifique ne peut donner des réponses que
sur des petits domaines.
- Animateur : Lévy-Leblond dit que le scientifique est spécialiste
d'un petit domaine et est ignorant dans le reste.
- Le scientifique n'est-il pas le chaman ?
- La science sait mesurer l'espace, le temps, guérir.
Le chaman est compétent. Il restructure l'environnement.
Si tout le monde croit en lui, il résout le problème.
- Selon Franz Boas, les chaman utilisent des trucs, par exemple
il met un duvet dans sa bouche, se mord la langue et sort
discrétement le duvet ensanglanté de sa bouche, qui représente
le mal qu'il a extrait du malade.
- Rien n'arrive par hasard.
- La technique et le savoir faire appartiennent à l'individu.
L'objet de la science est de rendre le savoir communicable.
La science se constitue dans un immense débat.
C'est une ruse de l'humanité pour coucher le savoir sur une feuille de papier.
Au 18ème siècle les savoirs n'avaient aucun effet sur le monde.
La science est tellement abstraite, l'homme a besoin
de recourir à l'instinct, revenir à des anciennes coutumes,
se rapprocher de la nature, recourir aux universaux
de toutes les civilisations.
- Nous sommes tous usagers de la technoscience.
- Les sciences appartiennent à des institutions
dont le but est d'assurer la légitimité par la communication
stratégique.
L'objectif n'est pas de chercher la vérité mais la pertinence,
le fait d'être prêt à recevoir la vérité manipulée.
- Jacques : Ca me fait penser à ce que disait un
participant concernant le réchauffement climatique.
Pourquoi y a-t-il des désaccords sur des questions scientifiques ?
Je me demande s'il n'y a pas au départ un a priori idéologique
qui fait qu'on est plus sensible aux arguments qui vont dans le
sens de cet a priori.
- Selon Platon, on doit définir l'amour.
La métaphysique devient ontologique.
- La science doit prouver.
- Nous devons recomposer nos certitudes à la lumière des arguments des autres.