Café philo du dimanche 2 novembre 2003 au Bastille à Paris
Thème proposé par Georges : Qu'est-ce que la sagesse ?
Animé par Bruno Magret
Compte-rendu de Jacques Bailhache

Il ne faut pas confondre conformisme et sagesse, selon Farid. Un participant soulève la question : un sage peut-il tuer ? L'animateur fait remarquer que dans la Bagavad Gita, Krishna convainc Arjuna de se battre contre sa propre famille. Mais la sagesse indienne ne se résume pas à la Bagavad Gita, c'est aussi Gandhi, la non-violence, répond Georges.

Selon Jacques Diament, on associe généralement la sagesse au bien et la folie au mal. Mais la création artistique relève de la folie. La sagesse va à l'encontre de la vie qui nécessite l'adaptation. On peut parler de la sagesse mais il ne faut pas l'appliquer.

Selon Noël, la sagesse serait non seulement le fait d'être conscient, mais conscient d'être conscient. Pour Dimitri, c'est l'instinct de conservation.

La sagesse est-elle dans le non-agir, le wu wei des chinois ? Bruno fait remarquer que "non-agir" n'est qu'une traduction aproximative de "wu wei", une vision déformée par notre vision cartésienne dualiste corps - esprit. La rationalité chez les grecs, c'est le logos, le souffle divin, le pneuma, ce n'est pas notre rationalité analytique.

Ca me fait penser au café philo du 6 mars 2001 au Bar des Oiseaux à Nice, dont le thème était "Quelle différence y a-t-il entre l'intelligence et la raison ?" ( http://www.chez.com/log/cafephil/intrais.htm ) au cours duquel on a développé l'idée selon laquelle la raison enferme dans un cadre et l'intelligence permet d'en sortir. Ca me fait aussi penser au théorème de Gödel qui démontre qu'on ne peut pas enfermer toute la vérité mathématique dans un cadre axiomatique fini. L'intelligence est créative, elle rejoint l'art, et donc la folie. De quel côté la sagesse se trouve-t-elle ? On pourrait penser à priori que la sagesse consiste à rester dans certaines limites, mais la vraie sagesse n'est-elle pas d'être conscient du fait qu'on peut parfois avoir intérêt à dépasser ces limites ? En fait, ce cadre de la raison n'est-il pas destiné à fixer des limites à ceux qui n'ont pas une sagesse suffisante pour déterminer par eux-mêmes l'action la plus adéquate ?

Une participante qui a visité un hôpital psychiatrique considère que la folie est à côté de la vie. Une autre dit que la sagesse c'est ce qui nous permet de comprendre un paradoxe.

Pour Raphaël, la sagesse n'est pas un état mais une action, la joie tragique de Nietzsche, la sagesse de nos vies ordinaires. Pour Jérémie, la sagesse ne peut exister que par la violence. La naissance est une violence. Il faut apporter la réponse juste, accepter de tomber. Il faut distinguer le destin de la prédestination. Le destin c'est l'ananké, le fil invisible. Ma pensée ne m'appartient pas, elle n'est faite que de mots et de vent, de pneuma, de vacuité.

Selon Bruno, quand on est au centre de la roue, c'est nous qui faisons tourner la roue. Pour ceux qui ont l'amour d'eux-mêmes, évoluer est une tragédie : "Je perds mon moi". Le Tao Te King est une théologie négative qui dit ce que la sagesse n'est pas.

Pour Alain, on a la sagesse qui nous arrange : la sagesse des riches défend l'ordre établi, celle des pauvres prône la révolution.

Selon un autre participant, la sagesse n'existe pas, seul le cheminement du sage existe. Le non vouloir : laisser faire les instincts en méta-observation de moi, agir sans autres critères que ceux qui viennent de la nature.

Pour Noël la sagesse c'est la neutralité, ne pas faire le bien ni le mal qui impliquent un objectif. Selon Cioran, toute idée est neutre ou devrait l'être.

Pour Claudine, il y a différentes conceptions de la sagesse selon le mode culturel : chez nous le travail est valorisé mais chez les musulmans c'est inch Allah.

La sagesse dépend du but qu'on veut atteindre selon Nina : la plénitude, la sérénité ou la diversité de l'expérience.

Georges conclut le débat en disant que la sagesse vaut ce que vaut le sage, et qu'elle n'est pas l'apanage des vieux.