Café philo du samedi 25 août 2001 au Bistrot du Sérail à Paris
Texte de et proposé par Christian : La révolution silencieuse.
Animé par Michel T.

La révolution silencieuse

La réincarnation est une idée qui monte. Des enquêtes révèlent qu'aujourd'hui environ un quart de la population, dans notre société, en admet l'idée. Chez les jeunes, la proportion est plus importante. Une enquête (article de Yves Lambert revue Le Débat No 75 Mai-Août 1993 édition Gallimard p. 68) montre que 31 % d'entre eux l'ont adoptée. Si on admet, ou non, une telle idée on ne peut certainement pas penser de la même façon sur quantité de questions. Même les conceptions politiques en sont affectées. Mais s'agit-il d'un simple feu de paille qui s'éteindra bientôt faute de combustible, ou est-ce une véritable révolution silencieuse qui est en train de s'opérer au nez et à la barbe de nos intellectuels ?

On observe une résistance considérable chez la plupart de nos intellectuels ainsi que dans la société à examiner attentivement les raisons qui ont pu conduire nombre d'entre nous à adopter cette idée. La chape de plomb est telle qu'il est à peu près impossible d'en parler en société. On est souvent vite pris pour un imbécile si on a l'audace de prononcer le mot de "réincarnation". Il ne manque pourtant pas de grands esprits pour l'avoir adopter, à commencer par Platon. Notre intelligentsia a pardonné à Platon d'avoir cru bon d'adopter une idée aussi saugrenue. C'était il y a deux mille cinq ans, on peut comprendre. Mais depuis Platon, il y a tout de même eu la science et la philosopjhie des lumières, et comment peut-il y avoir encore des esprits assez attardés pour adopter une idée aussi saugrenue ? On pardonnerait beaucoup moins bien aujourd'hui à un intellectuel d'adopter une telle idée. Il en est cependant quelques uns que la contagion a atteint mais en général ils se gardent bien de le dire, c'est plus prudent pour leur carrière. Toutefois la science n'est plus aussi sûre d'elle-même et les lumières ont cessé de faire de l'ombre pour que l'idée ne paraisse plus tout à fait aussi saugrenue qu'il y a quelque temps encore. Il serait grand temps que nous abordions ouvertement cette question sans préjugé et sans parti pris.

Il est vraiment piquant de voir qu'une révolution silencieuse est peut-être en train de s'opérer sous le nez de ceux qui, il y a seulement une trentaine d'années, état disposé à faire une révolution sanglante et qu'il ne la voit pas. Bien évidemment, si elle leur passe sous le nez c'est qu'à leurs yeux une telle idée ne peut concerner que des imbéciles. S'ils ont raté leur révolution, au moins ils ne louperont pas la contre révolution et des tirs de barrage opérés contre cette idée ? L'ostracisme de nos intellectuels ne doit cependant pas nous étonner. Les révolutions intellectuelles se sont toujours faites grâce à une poignée d'entre eux contre lesquelles la majorité a combattu.

Je ne prétends pas que la réincarnation existe, mais seulement que nous avons d'excellentes raisons d'examiner de près cette question. Et que si nos intellectuels se refusent aussi obstinément à les examiner cela ne tient qu'à leur fermeture et à leur rigidité d'esprit. COmme disait Planck "Une vérité nouvelle en science ne triomphe jamais en persuadant ses adversaires et en les amenant à voir la lumière : c'est plutôt que ces adversaires finissent par disparaître et qu'une nouvelle génération se lève à qui cette vérité est familière."

Résumé synthétique du débat

Ce texte soulève deux questions distinctes : Selon Guy, La réincarnation n'a pas la même signification en Inde et en Occident. Dans nos pays elle est considérée comme une bonne chose alors qu'en Inde c'est un cycle dont on doit chercher à sortir pour atteindre le nirvana.

En ce qui concerne la question de la réalité de la réincarnation, il s'agit d'un débat technique que notre assemblée de philosophes amateurs n'est pas qualifiée pour résoudre. Christian nous a parlé de Platon, d'autres témoignages et d' expériences réalisées notamment par Stevenson avec des enfants de 3 à 4 ans qui se rappelleraient de vies antérieures, mais un autre participant a dit que des chercheurs ont étudié la question et ont trouvé que ce n'est pas vrai. Selon Jacques B. il faudrait que des chercheurs étudient la question sans idée préconçue. Le problème est que les recherches n'ont pas pour but de découvrir la vérité mais de prouver une idée préconçue, et les résultats sont interprétés en fonction de cette idée préconçue. la seule attitude rationnelle si l'on n'a pas fait soi-même de recherches personnelles est l'agnosticisme. Selon Michèle, les souvenirs de ces enfants pourraient aussi s'expliquer par le fait qu'ils sont mis en rapport avec certaines incarnations antérieures dont ils recevraient les souvenirs dans l'état de réceptivité dans lequel ils se trouvent à cet âge.

En ce qui concerne la question de la résistance à l'idée de la réincarnation, les religions monothéistes ne parlent pas de réincarnation mais de résurrection. Le concile de Latran en 1123 a décidé de ne plus parler de réincarnation. Jacques B. a également évoqué le fait que l'existence d'un corps subtil qui quitterait son corps physique pour passer dans un autre n'est pas explicable par la science actuelle et nécessiterait un changement de paradigme. Gérard évoque le dérangement causé par la perturbation d'un équilibre.

Certains participants ont confirmé cette résistance en ayant une attitude de raillerie visant à ridiculiser les partisans de la réincarnation, confirmant ainsi les dires de Christian : "On est souvent vite pris pour un imbécile si on a l'audace de prononcer le mot de "réincarnation"". On a notamment parlé de croyances absurdes, de stupidité, de n'importe quoi et d'élucubrations (selon Pascal).

Selon Pascal, on ne peut pas prouver une inexistence, on ne peut prouver qu'une existence, ce sont donc les partisans de la réincarnation qui doivent prouver qu'elle existe. Une théorie scientifique n'est ni vraie ni fausse, mais valide ou invalide. Selon Jacques D. la rationnalité est un piège, il croit plus à l'intuition.

On a aussi évoqué les effets sociaux de la croyance en la réincarnation et en une autre croyance qui lui est généralement associée, la loi du karma selon laquelle on subit les conséquences de ses actes passés y compris ceux des vies antérieures. Cette croyance entrainerait la résignation et freinerait le progrès social; elle justifierait le cosmopolitanisme et l'injustice sociale selon Guy, et serait à l'origine du système des castes en Inde. Cette constatation soulève un problème éthique : si, comme le prétend Christian, des expériences prouveraient la réincarnation, devrait-on faire un black-out dessus pour éviter les conséquences sociales néfastes ?

On a reproché à ce texte d'accuser de rigidité d'esprit ceux qui ne croient pas, cette attitude étant elle-même une rigidité d'esprit, reproche à mon avis injustifié car le texte accuse de rigidité d'esprit ceux qui refusent d'examiner la question, et non ceux qui refusent de croire, ce qui me semble très différent.

Un participant a comparé la réincarnation au clonage, ce qui a été réfuté car les gènes ne déterminent pas entièrement l'individu, il y a aussi l'influence du milieu, l'éducation...