Café philo du samedi 31 janvier 2004 au Voltigeur à Paris
Sujet :
Comment reconnaître lautre quand on est animé par le désir d'être reconnu soi-même ?
Extraits du débat
- On rentre avec le système de reconnaissance dans la chaîne sociale, accepter la reconnaissance de l'autre entraîne des conséquences au delà du fait d'être deux.
- Pascal : Je suis habillé. Je suis Français. Vive la France. Je suis habillé en Parisien. Je suis du 11ème arrondissement. Dans ma famille j'ai un statut. Quand on me pousse dans mes retranchements, j'en arrive à me dire : je suis moi. J'ai employé un mot mystérieux, un mot fourre-tout. Cette notion d'identité, cette notion d'être reconnu, on ne peut reconnaître que l'habillement, on ne peut pas reconnaître l'être humain parce qu'il bouge tout le temps. Aujourd'hui je ne suis pas ce que j'étais hier, même si je suis conditionné en tant que Français. Ce qu'on appelle une différence, je l'appelle une division. Ce n'est pas la richesse des différences, c'est la confusion des divisions, parce que nous sommes embarqués dans des costumes, des uniformes. Quelqu'un m'a dit : "Vous n'êtes pas croyant ? Je ne peux plus vous parler". Si j'avais été habillé en croyant, il m'aurait parlé. Il ne pouvait pas me reconnaître, parce qu'il ne reconnaissait que les croyants. Quand on me dit que chaque génération doit quelque chose à la génération précédente, il faut savoir de quoi l'on parle, parce que si c'est le vêtement qui est transmis, et que le vêtement est l'expression d'une division, qui dit division dit conflit, autrement dit le vêtement est la traduction de nos conflit. Moi l'être humain lambda, d'ailleurs j'ai envie de me mettre à poil là devant vous, parce que quand je suis à poil je ne suis pas reconaissable.
- Il y a des religions qui vont te reconnaître.
- Non, ils vont me classer dans l'inclassable, m'exclure. On ne peut pas exclure l'être humain de l'humanité, c'est une maltraitance.
- Daniel : L'identité humaine, membre de l'espèce humaine, et l'identité individuelle, ce sont deux extrêmes. Les identités intermédiaires, par exemple auvergnat, ça ne pose pas de problème, mais homosexuel, catholique, musulman, ça pose quelques problèmes. Ce n'est pas la négation des identités collectives qui résout les problèmes. Ca porte un nom, vous pourrez trouver dans l'histoire du 20ème siècle des grands mouvements politiques qui ont utilisé ce nom. Il y a des revendications ethniques, historiques, religieuses. Il faut savoir si pour la personne son appartenance est essentielle ou pas. Si elle n'est pas essentielle, où est le problème ? Si pour la personne c'est essentiel, on lui dit "non, ce n'est pas essentiel, tu n'es que membre de l'espèce humaine ou membre de la rébulique française". On appelle cela une évaluation forte. Je ne peux pas décider ce qui est une évaluation forte, c'est-à-dire ce qui engage la véritable identité.
- Pascal : C'est source de conflit. Et on va faire allégeance, c'est-à-dire qu'on n'est jamais un être humain.
- Reconnaître l'autre, ce n'est pas forcément passer par un débat intellectuel, mais aussi un acte qu'on va poser, on prend un risque. On se regarde dans les yeux pour s'évaluer. Ce n'est plus de l'ordre du discours, c'est de l'ordre de la rencontre, le risque d'accepter d'être à côté de l'autre, et quand on ne connaît pas les codes culturels de l'autre, est-ce que dans son attitude on ne va pas le blesser dans sa façon d'entrer chez lui ? (...) C'est là que ça se passe à différents instants qui doivent se répéter, se retravailler régulièrement. Il y avait un coiffeur à 7 euros, tout le monde y va mais uniquement de la communauté. Moi en tant que français, si je vais là-bas, que se passe-t-il ? Est-ce que je vais être reçu ? Est-ce que je vais passer pour un fou ? Là, la notion est complètement sensible, ce n'est plus de la notion de l'être, qui je suis, comment je fais, etc...
- Marie-Noëlle : Il y en a avec qui on a une attirance, une empathie immédiate, on ne sait pas pourquoi, ça colle. Il y en a, pas possible, une antipathie immédiate, on ne sait pas trop pourquoi, une forme de rejet. Quels sont les blocages, les a priori qu'on a.
- Evelyne : La reconnaissance, reconnaître l'autre c'est des choses qui se passent en même temps je dirais ... au stade de l'enfance, personnellement je ne sépare pas les deux. Au départ on se connaît par ses parents, par l'école... en même temps on est reconnu si c'est possible... il y a de la maltraitance quelquefois, on exclut en tant qu'être humain un enfant dans une famille... au départ c'est 2 phénomènes qui se produisent en même temps, le fait d'être reconnu par ses parents et en même temps comme petit enfant etc... Si tut s'est bien passé on peut effectivement seul reconnaître l'autre à l'âge adulte, l'âge de raison.
- Je n'ai pas très bien compris l'articulation du comment et du quand. Le désir d'être reconnu c'est le désir d'être compris au plus profond de soi. Combien de fois on a l'impression de ne pas être compris parce qu'on n'emploie pas tous les même mots. Je vais prendre l'exemple du voile. L'exemple du voile recouvre une double idéologie : l'idéologie de la laïcité et l'idéologie du rapport homme-femme. Moi je suis profondément laïque parce que c'est mon histoire, mon identité, j'aurais tendance à être intransigeante là-dessus.Elles parlent de se cacher les cheveux et surtout les oreilles. Est-ce que ce n'est pas quelque chose qui est ancré profondément en elles culturellement dont elles n'ont même pas conscience parce que personne n'en parle, est-ce que les oreilles ne représentent pas le sexe féminin ? Et les féministes qui disent les hommes pourquoi ils ne se voilent pas aussi ça ne tient pas la route... On a envie d'être reconnu, compris. Notre éducation est marquée par une idéologie, on est quand même très cartésien. Il faut être attentif à l'autre. Ca veut dire quoi être reconnu ? Il y a plusieurs stades.
- Dominique : On est dans un pays qui a des frontières, il y a des règles administratives et civiques qui font qu'on est admis ou pas. A partir du moment où on est admis sans artifice ça ne pose pas de problème. La difficulté provient du fait que si cette communauté très minoritaire veuille en plus exprimer le désir d'être reconnue mais avec un signe à ce moment là il y a un travail de droit, il y a un travail d'histoire qui doit s'accomplir parce que si cette communauté dans les siècles passés a été admise sans ce nouvel artifice il y a donc un changement historique qui s'établit et il y a donc une nouvelle loi qui doit s'établir. Le voile au départ n'existait pas, lo mouvement waabiste a mis en 2ème position la femme, soumise, et pour le montrer on lui a demandé de porter un signe. C'est quand même un signe d'assujetissement de la femme à l'homme à partir d'un certain moment de l'histoire... Les média n'ont pas fait ce travail culturel. C'est un problème de méconnaissance du sujet, cette communauté qui s'exprime de façon nouvelle avec de nouveaux signes à intégrer dans nos sociétés modernes. Il y a quand même un fondement culturel pour faire comprendre à une société civile les bases même d'un débat. Sans ces bases là il y a des conflits.
- Jacques B. : On peut comparer avec la poitrine : les femmes ont une poitrine plus développée que les hommes, et une femme avec la poitrine nue ça passe moins bien qu'un homme avec la poitrine nue. C'est un peu pareil avec les cheveux. On projette pas mal de choses sur le voile, on dit que c'est un signe de soumission, quelque chose de revendicatif, on l'associe à l'islamisme, j'ai l'impression qu'on a tendance à penser quand on voit une femme voiléeque c'est une femme qui soutient Al Qaïda, qui soutient les attentats, j'ai l'impression qu'on projette tout un tas de choses. Il faudrait qu'il y ait une musulmane ici pour en parler, pour dire quel sens elle donne vraiment au voile. J'ai l'impression qu'on le juge sur tout un tas de choses qu'on projette dessus et qui ne sont pas du tout évidentes. C'est quand même une question de liberté individuelle fondamentale de pouvoir s'habiller comme on veut. Je suis surpris que des gens que je pensais plutôt libertaires semblent contester cette liberté. A partir du moment où on la remet en cause, je suis d'accord avec Daniel, je pense qu'on va dangereusement vers le fascisme. Ce que disait Pascal, que les différences seraient les causes des conflits, ce n'est pas évident pour moi. Il y a peut-être d'autres causes profondes des conflits, comme par exemples les injustices, les inégalités sociales qui font que certaines personnes utilisent ce prétexte d'appartenance à une communauté pour reventiquer en tant que communauté une justice sociale. Il y a aussi la peur que si on n'impose pas aux autres notre façon de voir les choses c'est eux qui vont nous imposer la leur. L'idée aussi de vouloir faire le bien des autres malgré eux. Si on a une certaine religion on va croire que ceux qui n'ont pas la même religion ne vont pas accéder au royaume de Dieu et par altruisme on peut être amené à vouloir les convertir à notre religion. Les différences ça peut être une richesse. Quand on est confronté à un problème, chacun résout ce problème par rapport à sa personnalité. Il ce peut que certains types de personnalité arrivezront mieux à résoudre ce problème. Il y a quelque chose d'assez paradoxal dans ce que dit Pascal parce que finalement quelle serait la société idéale selon Pascal ? Est-ce que ça serait une société où tout le monde serait pareil ? Ce qui m'étonne c'est qu'il insiste souvent sur le rapport humain. Qu'est ce que ça serait, un rapport humain avec quelqu'un qui serait exactement comme moi ? Parler avec lui ça serait comme penser tout seul dans ma tête. Est-ce que ça serait un vrai rapport humain ? Est-ce qu'un vrai rapport humain ce n'est pas un rapport avec quelqu'un qui a quelque chose de différent de moi ?
- Christophe : J'affirme que je n'ai rien à foutre de la reconnaissance de l'autre. Je l'affirme parce que de toute façon j'ai été construit par les autres, alors je ne vois pas comment je pourrais faire autrement que de vivre avec. Le fait de les aimer ou pas ce n'est pas une nécessité, je ne demande pas aux gens de m'aimer, et je n'ai pas forcément envie d'aimer tout le monde non plus. Le fait est que, le problème dans la volonté d'être reconnu et de reconnaître l'autre est qu'on passe par des systèmes de jugement. Qu'est-ce qu'on en a à foutre ? On peut très bien coexister, être en relation, voir une personne et communiquer avec lui sans passer par aucun jugement. Pourquoi on a un rejet d'un certain communautarisme ? C'est quand celui-ci passe par une volonté d'affirmer ses propres valeurs. Il faut voir que le système de la société c'est pas forcément d'affirmer ses valeurs. Je ne suis même pas sûr que mon système de valeurs n'ait pas évolué au cours de mon existence. Maintenant je me rapproche plutôt d'un désir d'une relation au divin, quelquechose de spirituel, alors que ce n'étaient pas du tout mes préoccupations avant. Qui a raison, est-ce que c'est moi maintenant ou est-ce que c'était moi il y a 4 ans ? Estc-e que c'était moi qui était complètement matérialiste ou est-ce que c'est moi qui m'ouvre à la spiritualité ? Vouloir être reconnu et reconnaître l'autre au niveau d'un sentiment de jugement c'est tellement absurde.
- Marie-Noëlle : La saisie qu'on a des autres est instantanée. L'expression, les regards de travers... Ne parlons pas des signes sociaux, des marques extérieures de richesse. On a tous des trucs qui passent plus ou moins bien. La première fois que j'ai vu Jacques... je ne peux pas le regarder sans avoir des tas d'impressions qui se superposent... Il faut faire le tri, épurer et arriver à percevoir l'autre en tant qu'être.
- Anne : Depuis que cette loi est sur le point de passer, il y a beaucoup moins de voiles et je trouve ça extraordinaire. Nos valeurs laïques sont quand même là et bien là et il y a une communauté musulmane qui a compris qu'il fallait faire avec. Cette reconnaissance communautaire, à quoi ça rime ? Comment on peut dire "oui, on vous aime" à une communauté ? c'est absurde. Au nom de quoi je les aimerais globalement ? Qu'est-ce qui justifie ça ? Sauf à se comporter avec une sorte de paternalisme qui me fait penser au colonialisme. Arrêtons ça. Pourquoi je reconnaitrais l'autre en tant que musulman ? Mais je n'en ai rien à foutre de sa religion. Moi, ma sensibilité laïque me fait chercher la personne. C'est la personne qui m'intéresse, qu'elle soit asiatique, qu'elle soit musulmane... Pourquoi avoir un jugement global sur une communauté ? Il y a des personnes, des individus, des singularités, des différences. Où est le problème ? Ce qui nous anime c'est la différence. Une relation ça se crée, ça se travaille, c'est une histoire de personne à personne avec la prise en compte du singulier.
- Pascal : On ne voit pas les dégâts que l'on fait avec cette notion d'identité. On fait des dégâts épouvantables au nom de l'identité. Il ne faut pas confondre l'identité avec le développement physiologique et psychologique de l'être humain qui a besoin d'une cohésion physiologique et psychologique pour se mouvoir dans l'espace et dans le temps. La notion d'identité c'est quelque chose de différent. Jacques dit "on va tous penser la même chose". Non, Jacques. Penser ensemble, travailler ensemble ça ne veut pas dire qu'on pense la même chose. On travaille ensemble et à mon avis c'est ça la relation, c'est d'être capable de travailler ensemble, c'est-à-dire des'atteler ensemble à traiter une question. Autrement dit quand au cours de ce questionnement tu poses une question, eh bien je la fais mienne. C'est comme si c'était moi qui l'avais posée. Et je travaille comme toi sur cette question. Etre ensemble et non pas être rassemblé au nom d'une idéologie. C'est ça qui se passe quand... nous ne sommes pas des individus. C'est une illusion de dire que nous sommes des individus parce que individus ça veut dire indivisible. Nous ne sommes pas indivisibles. Nous sommes fragmentés par tout un tas de machins : je suis français, je suis parisien, je suis islamiste... tout un tas de cercles concentriques. Quand je suis en Allemagne je dis que je suis français. Mais quand je suis en France je n'ai pas besoin de dire que je suis français. Alors je vais dire par exemple que je suis parisien. Autrement dit on voit bien toutes ces couches d'habillement, tous ces vêtements, toutes ces couches d'habillement. Etre reconnu, ce que j'entends dans cette expression c'est qu'il y a quelqu'un qui va me dire "je reconnais le vêtement que tu portes". Si je suis un original je vais me fabriquer mon propre vêtement. Un ensemble peut comprendre un seul élément. Pour que le rapport humain soit une relation, c'est-à-dire que l'on puisse travailler ensemble, il faut que toutes les barrières que l'on dresse, qui sont artificielles, d'ici 10 ans il n'y aura plus de français, il n'y a déja plus de romains... Il y a des types astucieux qui disaient "il faut négocier, il faut trouver un terrain d'entente pour éviter de se battre"
- Jacques B. : Il faut que les différences ne soient plus des barrières
- Pascal : Si les différences ne sont pas des barrières ce ne sont pas des différences.
- Evelyne : Pourquoi s'identifier à une communauté ? Il y a de plus en plus de problèmes subjectifs identitaires personnels à s'identifier dans cette société, c'est la raison pour laquelle les gens vont s'identifier à une communauté. L'homme actuel face à la société actuelle, l'ultramodernisme de la science, c'est une des raisons pour lesquelles on ne peut plus exister par soi-même, on n'a plus les ingrédients. Quand on a besoin de trop s'identifier à l'autre parce qu'on n'a pas réussi avec ce qu'on a autour de soi à s'identifier, on se fond à l'autre, on a l'impression de s'identifier à l'autre.
- Jacques : J'approche un peu différemment que Dominique a approché le sujet, je ne pense pas la même chose. Le système bourgeois, toutes les lois, dans le système capitaliste, il garde toutes les lois, il a besoin parce que il manipule... liberté individu c'est exclu de la... exploiter, des gens qui n'ont pas compris parce que système libertaire a personne qui exploitait... des dizaines de milliers de personnes, les lois, c'était libertaire, économique... c'est vrai qu'il est très dangereux... capitalisme l'époque 1900, impérialisme, vous voyez quand il rentrait un autre pays il essayait toujours de diminuer un qui les autres. Avec une même pierre il est rare que elle était à mille lacs... il n'a pas donné liberté un qui les autres non c'est pas arrivé comme ça. Pour l'idée dirige la mentalité c'était ça. Ce n'est pas dire que chaque divise libertin qui les donne, moi je approche pas la même façon. C'était déja des ouvriers qui étaient exploités, aliénés d'eux même nature, le patron qui les aliénait, exploitait de même aussi parce qu'il était exploité lui même un autre. On ne peut pas expliquer que s'il aliénait vous-même après vous les avez... qui les autres on voyait les même personnes dans la vie qui disparait que la misère. Comme époque féodale il était nécessaire parce que capitalisme on a digéré, il était ouverture pour faire évoluer la société même aujourd'hui on a besoin parce que on a resté... dans le système capitaliste, il est pourri de partout, il faut un autre système.
- Geneviève : Il y a une grande aliénation au niveau de la reconnaissance, une aliénation culturelle, historique qui remonte à la nuit des temps et je ne crois pas qu'on puisse lutter contre cette aliénation, elle est irrésistible. On passe par des communautarismes, qu'on le veuille ou non. Le tout est de pouvoir continuer le chemin de la libération par rapport à cette aliénation. Il faut passer par l'invividu, ça va permettre de prendre de la distance par rapport à cette aliénation. Le problème c'est qu'en occident on veut aller plus vite que la musique. L'occidental a un tel désir d'être reconnu pour sa personne unique que quelque part ça l'empêche d'écouter l'autre, de l'entendre. Ce sont des choses provisoires, ce ne sont pas des choses qu'on peut mener sur une durée. Le proverbe français que j'aime bien c'est "l'habit ne fait pas le moine". En ce moment j'ai l'impression qu'on va vers le proverbe allemand "l'habit fait le moine".
- Annick : Le sujet c'est reconnaître et être reconnu. On pense à la réciprocité de la reconnaissance. C'est quelque chose qui est de l'ordre d'une promesse. Dans les relations on est dans une forme d'influence, un rapport d'influence, et l'influence c'est quelque chose qui peut être très joli, par exemple la séduction, et il y a des différences de degrès qui va vers des prises de pouvoir de plus en plus violentes qui peuvent aller jusqu'à l'exploitation, la torture, etc... La reconnaissance réciproque c'est un travail sur soi.
- Claudine : Quel est le sens de reconnaître, d'être reconnu ? Est-ce que c'est être reconnu en tant que tel, ou être reconnu en tant que valeur ? Comme un auteur est reconnu en tant que valeur., il veut passer de l'ombre à la lumière. De même que quelqu'un dans un café philo, il a envie d'être entendu. Est-ce qu'il est reconnu pour ce qu'il est ou pour ce qu'il dit ? Il est assez ambigu ce sujet. Il y en a qui étaient transparent. On a envie d'être entendu. J'ai remarqué dans les cafés philo que ceux qui ne savaient pas entendre l'autre n'étaient pas entendus eux-même. On est mieux écouté quand on écoute l'autre.
- Pierre : Je voudrais parler d'une école psychologique fondée par Karl Rodgers qui a fait énormément de choses dans le domaine de la reconnaissance de l'autre. Comment au cours d'une conversation quand on a fait une écoute active être capable de reformuler ce que l'autre a dit de façon à ce qu'il comprennequ'il est compris mais vraiment de l'intérieur. A partir du moment où on a procédé commeça on arrive plus facilement à l'empathie et à désamorcer les conflits. Quand quelqu'un est hors de lui il y a la possibilité de lui apporter la reconnaissance qui permet de dédramatiser la situation, de faire passer des choses. La relation évolue beaucoup plus favorablement.
- Marie-Noëlle : Il y a eu une manie de la reformulation, c'est énervant. La non directivité a aussi des inconvénients. Les positions d'écoute c'est n'importe quoi.
- On ne peut pas réussir notre libération sans cette acceptation de cette aliénation. L'important est qu'on en ait conscience.
- Enza : Qu'est-ce que représente l'autre pour moi, qu'est-ce que je représente moi pour l'autre, un jour on va se rencontrer. Là intervient le narcissisme qui n'est pas à mon avis à mettre sur le même plan que se centrer sur soi. Il y a un effort à faire. Etre narcissique c'est facile. Il est plus difficile de vouloir se centrer sur soi-même et de se déterminer en fonction de sa propre personnalité. Les autres ne savent pas trop... qu'est-ce qu'on n'aime pas chez l'autre et qu'on n'aime pas chez soi ? Et qu'est-ce qu'on n'aime pas chez l'autre et qu'on apprécie chez soi ? Il y a des choses qu'on n'aime pas chez l'autre et qu'on ne pourra jamais aimer, c'est immédiat, c'est la violence. Par contre ce qu'on n'aime pas chez soi et qu'on retrouve chez l'autre, ça c'est plus compliqué. Et ce qu'on aime bien chez soi et qu'on retrouve chez l'autre c'est aussi compliqué.
- Jacques B. : La question qui se pose avec le communautarisme c'est qu'on a différentes communautés qui ont chacune leurs coutumes, leurs traditions, leurs façons de vivre, et que ça gène certaines personnes. Ca veut dire que si on refuse lecommunautarisme, il faudrait décider pour tout le monde un ensemblede façons de vivre, de coutumes, de traditions que tout le monde devrait respecter. Donc il faudrait savoir quelles sont celles qui donnent le meilleur résultat par rapport à un but commun. Donc déja ça suppose la notion d'une éthique universelle, de valeurs universelles qui permettent de définir pour tout le monde qu'est-ce qui est bien et qu'est-ce qui est mal. Ce n'est pas évident d'un point de vue philosophique. Pour Nietzsche, la question fondamentale de la philosophie est la hiérarchie des valeurs, par rapport auxquelles on détermine qu'est-ce qui est bien et qu'est-ce qui est mal. Même si on y arrive, il faut savoir quels sont les comportements les plus adaptés pour réaliser ce qu'on considère comme bien. Est-ce que, par exemple, une société où toutes les femmes portent le voile va donner un meilleur résultat qu'une société où aucune femme ne porte le voile ? Est-ce qu'on peut vraiment avoir la prétention de pouvoir déterminer qu'est-ce qui sera le mieux ? C'est une question qui concerne l'être humain qui est un être très complexe. Déterminer ce qui serait le mieux, ça voudrait dire qu'il faudrait avoir une théorie, un modèle qui permet de dire que si on fait ça, ça donne tel résultat. Plus les phénomènes étudiés sont complexes, plus les modèles sont approximatifs. Dans les domaines des sciences humaines, la sociologie, les modèles sont très approximatifs, donc on peut difficilement dire qu'en adoptant tel comportement on aura tel résultat. Donc plutôt quede décider globalement pour tout le monde qu'on va faire comme ça parce qu'on pense que c'est ce qui donnera le même résultat, pourquoi pas faire des expériences et dire que chacun fait comme il veut et on verra bien qui aura le meilleur résultat. Si ça conduit à un moins bon résultat de porter le voile, tant pis pour celles qui le portent. Que chacun subisse les conséquences de ses erreurs, plutôt que d'imposer la même règle à tout le monde, parce que si cette règle est une erreur, ça serait la même erreur pour tout le monde.
- Dominique : Comment est-ce possible à la fois de ne pas être reconnu soi-même et donc de ne pas reconnaître l'autre ? Il s'agirait d'inventer un individu qui ne serait pas reconnu lui-même et donc qui ne pourrait pas reconnaître l'autre. Je sais que l'on n'est pas toujours reconnu pour ce que l'on est. Mais ne pas être reconnu soi-même par qui que ce soit...
- Ozer : C'est une question de rapport à l'autre. Il y a cette notion de pouvoir. C'est pas le pouvoir dans le sens politique. Quand on a cette attitude on méconnaît l'autre. Est-ce qu'il y a une possibilité d'aller au-delà de cette attitude ? J'ai parlé de transmission de génération en génération de certaines attitudes, certaines traditions, mais quand ils sont enfermés comme s'ils étaient prisonniers de certaines tratitions... à partir de cette attitude-là, c'est chaque fois une notion de pouvoir.
- Dominique : Comment une société traditionnelle pourrait-elle être représentative tant elle est méconnue, disparaît parce que c'est la volonté des gens. Prenons les sociétés primitives amérindiennes : on sait que les paysans sans terre sont issus de peuplades qui disparaissent parce qu'il n'y a plus de reproduction. Imaginons la volonté d'intégration d'un indigène d'Amérique du Sud à Paris. Il aurait du mal à s'adapter. Un individu qui est par son origine est voué à une sorte de disparition a à la fois un problème de reconnaissance et un problème d'intégration dans les sociétés modernes. Je rejoins ce que disait Monsieur tout-à-l'heure en parlant de l'exploitation de l'homme. Il y a des sociétés très riches basés sur un pouvoir absolu où il y a une telle exploitation... il y a des catégories sociales dont on ne parle plus. On rejoint l'historique au social et à une forme de volonté politique. Accepte-t-on la disparition de telle catégorie de gens ou y a-t-il un désir forcené de ne plus en parler ?
- Evelyne : Les changements de repères font que pas mal de gens n'ont plus ce désir d'être reconnu et ont donc des comportements asociaux comme la psychopathie.
Il y a de grandes populations qui ont oublié l'héritage de l'autre génération et qui vivent comme si ils avaient poussé comme des champignons dans la forêt. C'est le travail qui fait qu'on reconnaît quelqu'un. Il n'y a pas d'autre moyen de se faire reconnaître que par le travail et l'argent. Il y a des gens destructifs parce qu'ils n'ont même plus l'idée de désirer ni d'être reconu ni de reconnaître à cause du changement de repère : les changements culturels, la télévision, l'ordinateur.
- Pascal : Comment reconnaître l'autre quand on est animé du désir d'être reconnu ? Il y a 2 cas qui se présentent : ou bien le gars est habillé comme toi et il te reconnaît. Si tu ne portes pas le même habit que lui, il ne peut pas te reconnaître. Il peut seulement te tolérer. Sinon il te casse la figure. Je voudrais démonter cette façon de vivre, et pour cela je vais reprendre ce qu'a dit Evelyne. Evelyne dit qu'il y a des gens qui n'ayant pas le désir d'être reconnu ont des comportements asociaux. Moi je vais dire que c'est le contraire. C'est justement parce qu'on a le désir d'être reconnu qu'on est asocial, parce que c'est là qu'il y a des divisions, des conflits, et vivre dans les conflits c'est vivre de façon asociale. C'est ça un homme asocial, c'est le guerrier, c'est le militaire. Il y a une confusion entre respecter et être reconnu. Je n'ai pas besoin de savoir que tu es musulmane, juive, socialiste française ou n'importe quoi pour te respecter.Qu'est-ce que ça vient faire là-dedans ? Si je fais appel à ça, ça veut dire que je ne te respecte pas. Je te reconnais si je suis habillé comme toi, et si je ne suis pas habillé comme toi je te tolère, et la tolérance est le manque de respect.
Pour en revenir à ce que dit Jacques, il me semble, Jacques, que tu fais la confusion entre la loi et la norme. Etre habillé avec une norme, par exemple être musulman c'est une norme de l'esprit, c'est un conditionnement de l'esprit. On peut très bien respecter les autres, qu'ils soient normés ou pas. La loi ce n'est pas la même chose. Une loi est promulguée, tandis qu'une norme n'est pas promulguée, elle est proclamée. Maintenant on voit des adolescentes habillées avec un string, c'est devenu une norme. Ou bien une casquette. "Je suis musulman, respecte-moi" ça ne marche pas, il y a quelque chose de faux là-dessous. On ne peut pas respecter quelqu'un parce qu'il est musulman. On le respecte parce que c'est un être humain. Si une loi édicte une norme, c'est une prison.
- Tannie : J'aime vivre dans une société où il y a le moins de lois possible, où on ne légifère pas sur tout.
- Anne : La reconnaissance d'une communauté, l'identité... Est-ce que la demande n'est pas "acceptez-nous avec nos origines", ils viennent d'une société arabe traditionnelle alors qu'ils intègrent une société post-moderne, c'est ça la revendication. La société traditionnelle, nous nous en sommes dégagés, particulièrement dans les années 68, on met en avant le désir de reconnaissance du corps, l'épanouissement personnel. Est-ce qu'il y a possibilité pour ces gens qui tiennent tant à leur identité d'intégrer nos valeurs occidentales et laïques ? Voilà, c'est le vrai problème.
- Geneviève : Si nos valeurs sont valables, ça irait de soi. Si ça ne marche pas c'est que nous avons un problème quelque part. Si nos valeurs sont valables, elles seraient intégrées, ... l'épanouissement de l'individu, elles mettront le temps peut-être mais elles finiront par entrer dans les mentalités. Pour l'instant ce n'est pas du tout ça. Ce que je voulais dire par rapport à Dominique, c'est que c'est toujours les vainqueurs qui ont raison. Les petites communautés sont éliminées. On entend dire "c'est la nature humaine, on sera toujours comme ça". Ce serait utopique de croire qu'on va sortir de ça, ben non. Sur le plan économique, on a réussi à créer une économie parallèle.
- Quand on est animé par le désir d'être reconnu c'est-à-dire estimé, on perd les capacités à estimer les autres.
- Nadia : Le voile, l'identité, c'est plus compliqué.
- Christophe : Le corporatisme est aux antipodes de ce que je trouve important. La volonté d'être reconnu par l'autre, c'est quelque chose qui m'est étranger à un point... Il y a un problème avec le rapport à l'autre.
- Geneviève : Dans l'antiquité les grecques se voilaient. Nos religieuses sont voilées. De tous temps il y a eu des voiles. L'avènement de l'athéisme n'a pas eu lieu.
- Jacques B. : La notion de valeurs communes poussée à l'extrème mène au fascisme.
- L'occident a toujours eu cette tendance à vouloir avoir raison. L'occident est très libre, peut-être trop. Notre société est malade.
- Tannie : La France a changé depuis ma jeunesse. Discuter d'une question de voile que portent les filles c'est indigne d'un pays avec une histoire comme la France.
- Pascal : As-tu quelque chose de permanent à me montrer ? Si j'ai quelque chose de permenent, on peut me reconnaître. Je change sauf si je suis habillé. L'être humain revendique le droit d'avancer masqué, de vivre camouflé. Je peux m'habiller en chrétien. "Respectez-moi en tant que ..." Je peux m'habiller avec de l'argent. Est-ce que l'être humain peut se dégager de cette exigeance d'être reconnu en tant que ?
- Anne : La séparation de l'Eglise et de l'Etat... Pour Rousseau Dieu est en nous, partout. La société française est malade de quoi, sa tolérance ? Je ne vois pas le problème de cette société française.
- Michel : On demande à la république laïque qui a lutté contre l'Eglise catholique d'accepter le voile qui signifie "j'ai au-dessus de moi un Dieu tout puissant". Moi je suis pour les droits de l'homme, pas pour un dieu qui nie tous les droits de l'homme.
- Claudine : Ca dépend comment on se situe par rapport au désir, son orgueil, la modestie. Ca peut aller de la condescendance à un sentiment d'appartenance.
- Ozer : Il y a une culture dominante, il y a un rapport au monde... Il faut de la bienveillance, de la tolérance, sinon c'est la violence.