Café philo du dimanche 21 juillet 2002 au Bastille à Paris
Sujet proposé par Pascal : La psychologie est-elle l'ennemi de la philosophie ?
Animé par Christian de Beaumont

Présentation de Pascal

Résumé du débat

• Jacques D. : Je suis ennuyé qu'on commence à découper la réalité humaine en tranches.

• Georges : La philosophie n'a pas d'objet spécifique d'étude. La philosophie se place au-dessus, critique et tire la quintessence.

• La philosophie recherche la compréhension du réel. Le matériel, le principe et la loi, et la conscience s'interpénètrent. Descartes, "Je pense donc je suis", "je" est imprécis. C'est comme le labyrinthe de Thésée.

• Serge : Est-ce qu'on peut engendrer quelque chose qui se retourne contre vous ?

• Jacques B. : Ca ne s'oppose pas, on peut être réaliste intellectuellement et s'illusioner volontairement psychologiquement. Il y a aussi une question sous-jacente : la psychologie telle qu'elle est pratiquée est-elle une bonne psychologie ?

• Farid : Il y a des bonnes et des mauvaises philosophies et des bonnes et des mauvaises psychologies.

• Christian : Les buts sont différents mais opposés. Le but de la psychologie est de guérir des patients, faire vivre de rêve et d'illusion. Celui de la philosophie est de regarder la vérité en face. La logothérapie de Victor Frankl consiste à donner sens à la vie. Ce sens n'est-il pas illusoire ? Le seul but est que les gens se sentent bien. Soigner des gens qui se portent bien en les rendant fou. Dire que la vie n'a pas de sens me paraît être une réaction saine, fabriquer du sens une folie.

• Annie : Explique le mot "illusion".

• Pascal : Prendre des vessies pour des lanternes. On dit que la psychologie est une science humaine. Je ne vois pas en quoi c'est une science. La compréhension du comportement, c'est faux, il y aurait un effet sur les guerres.

• Christian de B. : Le lien entre le névrosé, le psychotique et le psychiatre : le névrosé construit des châteaux en Espagne, le psychotique les habite et le psychiatre encaisse les loyers. La relation ami ennemi est une relation d'altérité, la distance permet cette altérité. Avec un ennemi il n'y a plus d'altérité car la distance est trop grande. La psychologie est l'étude du comportement autour du faire des individus. Un autre notion est le propre de l'homme : le comprendre et la compréhension de ce qu'il fait. La psychologie explique l'individu d'un point de vue clinique, pathologique, psychiatrique, psychanalytique.

  (...)

• Si on dit "ma vérité" il n'y a plus de vérité. L'excès de subjectivité est un rejet de la vérité. Une bonne philosophie est une philosophie qui est vraie.

• Magdeleine : Je suis d'accord avec Jacques D. et Georges. Cloisonner ne mène pas loin. Je suis reconnaissant à Christian d'avoir remis les pendules à l'heure. La psychologie ne guérit pas. (...)

• Christian de B. : Il n'y a pas d'idées nouvelles en philosophie.

• Jacques D. : On ignore tout de la philosophie analytique.

• Georges : Il y a un complot de la Sorbonne pour ne pas les introduire (Schiller, Davidson).

• Pascal : Pourquoi je critique la psychologie et les psychologues ? Ils empêchent la démarche philosophique. La psychologie n'a jamais empêché la guerre. La philosophie non plus mais ça n'est pas son but d'arrêter les guerres. En philosophie il n'y a pas de sublimation. Il n'y a pas de conscience personnelle, seulement une conscience tout court.

  (...)

  Emma : La psychologie conduit à une société narcissique. On ne voit plus l'altérité.

• Christian de B. : Je vous conseille Foucault, "L'herméneutique du sujet". On voit de quoi il s'agit, la connaissance du souffle qui habite l'individu.

• Jean-Pierre : Pourquoi on a choisi ce sujet ? On s'est trompé, on a patiné, ce sont des discussions de médecins, une critique de la psychologie, ce n'est pas de la philosophie.

• Georges : Je psychanalyse Pascal. La raison est très simple : Le philosophe connaissait toutes les sciences. La philosophie a perdu 90 %, la psychanalyse enlève le "connais-toi toi-même", la philosophie n'est plus qu'une enveloppe sans ossature, une peau de chagrin.

• Pascal : La philosophie est une démarche, non un savoir.

• Larry : Pour la paix dans le monde Aristophane a trouvé la solution, dans Isistrata : les femmes décident que quand les hommes font la guerre, elles ne baiseront pas. La psychologie et la philosophie ont une préoccupation centrale, comment penser, ça conduit à une opinion. L'histoire de la pensée, le syllogisme, une méthode nouvelle mais très stérile. Philon d'Alexandrie à la source de la philosophie...

• Christian de B. : Il a écrit "Les thérapeutes".

• Larry : ... Leibniz, Descartes, Spinoza ont amené la philosophie moderne. La pensée marxiste entre matérialisme pur et dur, La Mettrie, avec la dialectique de l'histoire et de la pensée, dévoyée par Staline pour aboutir à une scolastique nouvelle. Aujourd'hui il y a le post-martinisme, Whitehead, le plus intéressant du 20ième siècle. Il n'y a pas d'objet, que des processus. Les évènements sont des monades.

• Christian de B. : Ca rejoint les neurosciences... Damasio a renversé l'ordre des valeurs cartésien : "Je suis donc je pense".

• Georges : L'essence précède l'existence ?

• Christian : La nécessité du psychotérapeute, la majorité des psychologues ont une visée thérapeutique. (...) La mauvaise philosophie est celle qui cherche à avoir un effet. La philosophie est comparable aux mathématiques, basée sur la rigueur, s'en fout que ça serve à quelque chose.

• Farid : Les mathématiques sont apparues pour résoudre des problèmes pratiques. (...)

• Enza : Est-ce que la philosophie et la psychologie sont antinomique ou l'un influence l'autre ? (...)

• Jacques D. : Les publicitaires utilisent les données de la psychologie. Le bon vendeur sait manipuler.

• Pascal : Ce que je conteste dans la psychologie c'est le fait qu'elle problématise le vivre ensemble. Quand un patron veut mettre un employé au chômage il recrute un psychologue pour lui faire accepter d'être au chômage. Le but de la psychologie est de vivre mieux. Le philosophe refuse de vivre mieux, il veut vivre bien.

• Larry : Freud a détaché 3 niveaux de mémoire : le ça, le moi, le surmoi. On en est bien loin avec le modèle informatique de la mémoire à court terme, de travail et profonde. Certaines des données de la psychanalyse, la relation entre le traumatisme et la pensée profonde, se retrouvent dans les modèles actuels. Est-ce que les mathématiques préexistent, on les découvre ou on les invente ? "Matière à penser" de Changeux et Alain Connes.

  (...)