Café philo du samedi 27 mars 2004 au Voltigeur à Paris
Sujet proposé par Pierre :
Trouver son compte dans la perte de soi
Animé par Marie-Noëlle
Extraits du débat
- Christian : Il n'y a pas de perte de soi dans le bouddhisme et l'hindouisme car le soi n'existe pas. Dans l'hindouisme l'âme individuelle est une fraction de l'âme de Dieu. Dans le bouddhisme l'homme est composé d'éléments. Pour le christianisme il y a un moi car il y a une âme individuelle. Ces positions sont cohérentes par rapport à la métaphysique. Où est le lieu de la liberté ? Ce problème est constamment évacué. Il faut rester cohérent par rapport à la métaphysique.
- Dominique : Je vois une ambiguité dans "trouver son compte", un côté ultralibéral.
- F. : Trouver son compte c'est s'orienter dans la vie. Il faut avoir le souci de soi.
- Christophe : J'ai l'impression qu'on est multiple. La nécessité d'avoir une cohérence n'est pas que dans le questionnement.
- Thomas : Le christianisme dit que l'âme individuelle implique le moi.
- Evelyne : Le prix de l'intelligence qui vous rend lucide donc fragile.
- Dominique : La religion n'a rien à voir avec l'empathie.
- Christian : Est-ce que je existe ? Est-ce que je fais ou ça fait ? Je ne peux légitimenment dire "je fais" que si j'existe. "je existe" n'a de sens que si je suis une âme individuelle.
- Simone : Le sujet m'a d'abord assez choqué, mais je l'ai trouvé finalement assez intéressant. Il y a un soulagement par rapport au souci de soi qui peut être pesant.
- Christophe : Ce qui m'intéresse c'est la définition de soi et du bonheur. Etre heureux seul je ne vois pas ce que ça veut dire.
- Dominique : Quand on travaille le patron trouve son compte. On est dans un monde d'aliénation profitable à une minorité.
- Christian : La question philosophique est la question "qui suis-je ?". Avant il y a la question "Est-ce que je suis ?". Cette question n'est pas posée. En orient ça va de soi que je ne suis pas. Pour les occidentaux ça va de soi que je suis.
- Christiane : Qui parle dans moi ? Il y a une différence entre soi et moi. Le soi c'est tout ce qui a été intégré pour construire une personnalité, le désir des autres, la culture, les influences, le vécu, les difficultés.
- Jacques B. : Il y a une contradiction entre être et avoir : on peut perdre ce qu'on a, or soi c'est ce qu'on est. Je dirais qu'être ce n'est pas être un mais être fortement interconnecté. Construire un moi par soi-même, n'estce pas une illusion ? N'est-on pas condamné à être construit par des influences extérieures ?
- C'est le rêve de tout dictateur, abandonnez-vous à la loi générale.
- Geneviève : Le moi est une construction intellectuelle. Pour l'occident il est multiple, pour l'orient c'est le grand Un, il s'en remet quand même à un grand autre donc une séparation, échapper au cycle des réincarnations. Il faut apprendre à fonctionner sur du mouvant, du flou, de l'inconnu. Il n'y a plus de langage, de conceptualisation, on se tait.
- Alain : Est-ce qu'on peut échapper au sujet cartésien ? Moi instable montage hétéroclite non métaphysique, on se construit un moi, c'est le rapport à l'autre, il n'y a rien d'absolu.
- Evelyne : Trouver son compte par rapport à la grande incertitude pour trouver l'autre ou s'en passer. On ne parle pas des moyens. Apprendre à vivre le temps autrement, aller en Inde ou seul sur un bateau.
- Marie-Noëlle : Dans un état de double conscience on peut se perdre.
- Simone : A propos d'être ou avoir, les pensées que je croyais les miennes sont dans la tête des autres.
- Alain : La différence entre philosophie et psychanalyse est la réponse à la question : où est-ce que je suis ? Est-ce que je suis dans l'inconscient ou dans le conscient ?
- Christophe : J'ai vécu mon enfance en spectateur. Vivre vraiment l'instant présent est assez plaisant.
- Pierre : Dans l'expérience de la transe on est possédé par quelque chose d'autre. Ce phénomène semble pouvoir rassembler une part d'eux et d'universel.
- Martine : "Ca existe" quelle conclusion tu en tires Evelyne par rapport au débat ? On peut être attaché à sa singularité. En orient le moi n'est pas important mais c'est ce qu'on a tous d'universel
- F. : Je pense que quand on est quelque part on est tous pluriel, plusieurs morceaux. Les pensées dans ma tête et dans celles des autres... faire émerger une trace d'universel qui est dans l'expérience singulière. L'énergie est quelque chose qui permet de garder une présence au monde et à soi. L'indifférence conduit à la perte de soi. Comment faire pour se maintenir dans la présence à soi et aux autres ? Cette indifférence peut conduire à la perte de soi ou la perte de pensée critique. Comment faire pour gagner du soi, capitaliser du soi, de la vie, comment ne pas avoir de dette par rapport à ce qu'on peut qualifier de vie humaine ?
- Simone : Il semble qu'il y ait dans tout homme une autocentration et quoi qu'on fasse on nese perd pas. Que faire quand on a peur ? Peur de se dissoudre.
Conclusions
- On peut se perdre dans la relation de dépendance, l'aliénation.
- Christian : Est-ce que le soi existe ? Peut-être qu'on n'a rien à perdre. C'est le seul problème.
- Gérard : Qu'aimes-tu chez les autres ? Les différences. Il suffit d'écouter.
- Evelyne : Pour perdre quelque chose de soi il faut exister.
- Dominique : Une telle ambiguité est soit nauséabonde soit maladroite. Ca me rappelle mon expérience en scientologie, c'est le genre de question qu'on peut poser à quelqu'un pour devenir plus clair, ce n'est pas assez précis.
- Enza : Estc-e que je suis bien là où je suis ? ... Imposer une relation où on est au pied du mur que je peux perdre et faire perdre à l'autre est-ce que c'est par lâcheté, est-ce que c'est la fuite en avant la meilleure solution ou le dialogue, est-ce que c'est une perte ? Les barrières idéologiques, humaines, psychologiques... a quoi sert la rétention des idées ? C'est toujours une implication qui est négative ou positive. Diviser pour mieux régner. La perte de soi, l'empathie, le supplément d'âme dans la perte de soi c'est là où ça se tient, l'empathie, ne pas plonger dans l'histoire de l'autre mais pouvoir formuler ce que je veux dire, ne pas aller ensemble dans la merde mais au-dessus.
- Christiane : On peut trouver son compte dans l'acceptation de pertes successives. La perte de tout c'est être soumis à un gourou, je ne pense pas qu'on y trouve son compte. Les pertes successives conduisent à donner du sens qui permet de se construire soi-même.
- Gisèle : Au début j'ai été choquée par l'expression. Je n'ai pas changé d'avis. La perte c'est négatif. On évolue, on se transforme.
- Michel T. : Le mot perte est trop fort. Quand on joue aux échecs on se dissout dans le jeu. C'est inquiétant.
- Alain : Je me demande si le sujet est le même suivant qu'on décide soi de se perdre ou que c'est un état de fait qui vient de l'extérieur, imposé. Quel est le bénéfice ?
- Serge : Ce n'est pas un sujet philosophique.
- F. : Malgré les aspects paradoxaux c'est un sujet philosophique. L'essentiel est de s'orienter dans la vie. Est-ce qu'on ne pourrait pas sauver l'énoncé en donnant à compte du qualitatif approchant le code génétique ? Bien des gens ne trouvent pas leur compte dans la société.
- Thomas : C'est peut-être une fausse peur qui empêche de changer. Si je veux toujours rester fidèle à moi je suis toujours en train de répéter par peur de me perdre.
- La phrase peut être endendue à différents niveaux, être manipulée. L'idée qu'on peut se perdre pour mieux se trouver me séduit.
- Marie-Noëlle : Pourquoi vouloir trop garder ? C'est un exercice de relâchement.
- Pierre : C'est une discussion qui m'a beaucoup apporté. Je me sentais concerné.