Café philo du dimanche 7 juillet 2002 au Bastille à Paris
Sujet : Peut-on vraiment penser par soi-même ?
Animé par Bruno Magret
Extraits du débat
Serge : Quand est-on soi-même ?
Georges : Je m'élève contre ceux qui pensent par philosophes interposés, comme contre ceux qui disent "je l'ai lu dans le journal".
L'information n'est pas réflexion. Quand je lis un journal opposé à mes opinions, je rebondis à chaque phrase.
Quand le journal pense comme moi, je ne rebondis pas.
Il vaut mieux citer Platon que de dire un lieu commun sans savoir qu'on cite quelqu'un.
Bruno : Est-ce que soi et moi c'est la même chose.
Farid : Selon Montaigne, il vaut mieux une tête bien faite que bien pleine.
Il faut un cerveau en bon état, avoir reçu un minimum d'éducation et de bon sens, avoir accumulé des connaissances.
Georges : Penser signifie-t-il bien penser ?
Farid : Pour bien penser il faut avoir un minimum de logique.
Emma : J'ai l'impression que je pense par moi-même quand je suis dans l'action.
Pascal : Quand quelqu'un dit "je pense par moi-même" ça veut dire "je pense de la façon indiquée par le maître à penser qui dit penser par lui-même".
C'est une illusion.
Penser ne permet d'être original que si on observe sans choisir, sans analyser.
Bruno : Les philosophes ont commencé à critiquer les outils de la connaissance, comme Kant. La raison pure est sèche, elle tourne en rond. Il y a quelque chose qui dépasse la raison, c'est l'impératif catégorique. Socrate disait : "je sais que je ne sais rien".
Il y a une différence entre soi et moi. Le soi est impersonnel.
J'ai l'illusion d'être moi, mais il n'y a pas de séparation.
La pensée traverse l'artiste.
Il n'y a pas que l'analyse, il y a la pensée intuitive, symbolique.
(...)
On reçoit une logique. Il est important de voyager pour rentrer dans d'autres logiques, après on fait un choix, une synthèse, on commence à penser par soi-même.
Christian : Le mode de pensée est conditionné. Est-ce qu'on peut dire que nous pensons par nous-même, est-ce que la pensée vient de l'esprit ou de processus psychologiques.
Momo : Ca pose le problème de la liberté individuelle.
Jacques B. : Plutôt que de distinguer ceux qui pensent par eux-même de ceux qui pensent par les autre, je distinguerai ceux qui pensent directement par les autres en reprenant leurs idées telles quelles, de ceux qui pensent indirectement par les autres, en fonction de leur propre système de pensée qu'ils ont contruit sous l'influence des autres.
Je fais aussi une différence entre la vérité absolue et ma sensibilité. Dans le domaine de l'éthique il n'y a pas de vérité absolue, mais des choix personnels. Les gens veulent justifier leurs actes au nom d'une morale absolue. Mais on a le droit de se battre pour ses valeurs personnelles.
On pense par soi-même en regardant plus attentivement le réel, en réfléchissant par rapport à sa propre façon d'exister.
Farid : La pensée permet de mettre en relation des éléments disparates.
(...)
Bruno : Il y a 2 façons de penser : pour les grecs, l'obscurité, les ténèbres, le deimon qui nous traverse, c'est un être indéfini, et la pensée claire selon Descartes.
Un participant écrit :
Le cheval d'orgueil
tel à troie
est entré dans nos êtres
pour la remplacer, oh vil imposture !
par le par-être !
L'Inde est schizophrène, il y a une distorsion entre action et pensée.
Jacques B. : S'il n'y a pas de libre arbitre, si le monde est déterministe, l'éthique s'effondre. Pour qu'elle garde un sens il faut faire un pari pascalien du libre arbitre. Si on agit comme si le monde était déterminé alors qu'on est libre, c'est catastrophique, mais l'erreur inverse n'a aucune importance.