Café philo du mercredi 27 février 2002 au Bar des Oiseaux à Nice
Sujet proposé par Elisabeth : Le passé est-il un fardeau ?
Animé par Bruno Giuliani
Résumé du débat
- Bruno : Le passé n'est pas en lui-même un fardeau, mais nous le portons en fardeau.
- Elisabeth : Le passé pèse. Le phare-dos n'éclaire que le chemin parcouru. Le passé s'en va en vivant l'instant.
- Bruno : Il faut réfléchir sur l'aspect positif. Le passé n'est-il qu'un fardeau ? Est-ce que notre rapport au passé peut ne pas être aliénant mais source de libération ?
Selon Nietsche (Citations intempestives, La joie de vivre au présent)
celui qui est incapable d'oublier son passé ne saura jamais ce qu'est le bonheur.
- François : Le passé n'est pas un fardeau, on ne connait pas tout le passé, on ne le comprend pas. Il y a aussi le passé qu'on occulte, qui ressurgit. Il y a la manipulation du passé. Le passé n'est pas objectif, c'est la conception qu'on en a. Il ne reste qu'à avoir une bonne conception du passé.
- Ca me fait penser à une bande dessinée : "Mon passé était horrible, mon présent est invivable, heureusement je n'ai pas d'avenir."
Le rapport au passé dépend du rapport à l'avenir.
- Sylvie : Ce n'est pas le passé, ce sont les problèmes qui sont un fardeau. Comment peut-on vivre le présent sans mémoire ? Proust ne parle que de ça.
- Il ne faut pas seulement se tourner vers le passé mais aussi faire des projets. Pour que le passé ne soit pas un fardeau, il faut toujours se tourner vers ses projets.
- La création des projets d'avenir c'est souvent pour rejeter les échecs passés.
- Kiko : Le passé n'est pas un fardeau, ce n'est qu'une richesse.
- Ce qui fait fardeau c'est l'ignorance du passé.
Pour pouvoir enfanter on doit rencontrer nos ancêtres. (...)
- Je suis choquée qu'on ait pris Proust comme exemple.
Les romanciers ne sont que des menteurs quiaffabulent à partir d'une réalité qui parait poétique.
- Jacques : C'est surtout le regard des autres sur notre passé qui est un fardeau. Il y a le problème de la rancune, mais il y a aussi le fait que quand quelqu'un a vécu un malheur, les autres projettent ce malheur sur lui. En le voyant ils pensent que celui-là c'est celui à qui il est arrivé tel malheur, ce qui fait baisser leur moral et peut les conduire à éviter cette personne, qui a peut-être su tourner la page, mais qui, si elle le montre trop, risque de paraître insensible.
- Bruno : Quelle est la solution ?
- Jacques : Certains déménagent pour recommencer une nouvelle vie ailleurs. On peut aussi éviter de dire trop de choses sur sa vie privée à trop de personnes, faire un cloisonnement dans ses relations.
- Il y a notre histoire personnelle et aussi l'histoire collective. On est porteur d'une histoire qui n'est pas la nôtre. Ce qui est un fardeau c'est la part d'inconnu, un corps étranger, une histoire qui n'est pas la nôtre, des aspects qui font notre propre vie, nous conduisent à des actes contre notre désir. Il faut aller vers sa propre connaissance.
- Bruno : Comment se libérer de ce corps étranger ?
- Il est difficile de séparer ce qui vient de nous de ce qui vient de nos ancêtres. On crée le présent à partir du passé. Résoudre le passé c'est le recadrer par rapport à l'avenir.
- Sylvie : c'est pas le passé, c'est l'histoire qui continue. Il n'y a pas de différence entre le passé et le présent. La psycho à vie.
- Bruno : Si seul le présent exixte, le passé ne peut pas être un fardeau.
- La blessure vient du passé mais la souffrance est au présent.
- Elisabeth : Je me suis rendu compte que que je n'ai que joué des rôles. On n'est jamais dans notre propre histoire.
C'est ce petit être essentiel qui reste qui m'intéresse.
L'analyse c'est remonter à la lyse, l'état intermédiaire entre la chenille et le papillon. On ne peut pas en parler, on ne peut que le vivre.
- Bruno : Est-ce que la question peut être déplacée ? Le passé n'est pas un problème, le problème est comment se débarasser de ce qui n'est plus vivant ?
- François : D'accord. Non seulement il n'y a pas de fardeau mais on peut s'en débarasser, le laisser tomber, on a cette faculté en nous. On n'y pense pas, l'activité.
- Bruno : On laisse tomber la représentation.
- Comment se débarasser des fantômes du passé ?
Aller vers l'avenir.
(pause)
- Bruno : On peut poser la question autrement : qu'est-ce qui fait des choses un fardeau ? Qu'est-ce qui transforme tout ce que nous touchons soit en fardeau, soit en joie ou plaisir ?
- Annie : Il y a des choses que je n'ai pas compris de mes parents.
Mes copines me font revivre des choses qui me rappellent des choses anciennes.
- Bruno : Est-ce que la compréhension est un processus créatif ?
La folie c'est comme un ballon rempli d'air balloté par le vent sans propre critère de direction.
- C'est le fait d'être hors norme.
Le fardeau c'est quand je ne suis pas moi.
L'apprentissage de la socialisation, la ligne de conduite qu'on attend de nous.
Le je(u?) peut être différent du moi, on peut s'éloigner de soi.
Plus la tension - séparation je - moi (...) avoir un fardeau.
- La haine n'est pas négative, c'est une source d'informations. La haine et l'amour.
(...)
- Bruno : Le passé me détourne de la compréhension de ce que je suis ici et maintenant. Selon Nietsche, il faut redevenir comme un enfant, oublier son passé. (...)
- Jacques : J'ai des doutes sur certaines tendances actuelles de la psychologie. Ne vaut-il pas mieux parfois empêcher le bouchon de remonter plutôt que de tirer dessus, de remuer la merde ?
- Bruno : On risque alors de continuer à agir de façon merdique.
- Jacques : Il faut tirer les enseignements du passé. Pour se libérer des corps étranger il faut prendre conscience du fait que ce sont des corps étrangers, sinon on ne sait pas qui on est, on croit qu'on est incohérent.
- Quand on n'arrive pas à résoudre un problème, il y a la méthode d'Alexandre face au noeud gordien. On sait où ça a mené.
- le fardeau nous pèse à partir du moment où l'homme a su qu'il pouvait raisonner. L'animal ne se demande pas si ce qu'il fait est bien ou mal.
- bruno : Ici on ne cherche pas la folie mais la sagesse.
- Le fardeau collectif est plus énorme que le fardeau personnel.
La misère du monde. Pensée - pesée. On peut construire une pensée soulageante pour tous, en réflexion avec la réalité.
On dit "négliger", négation du lien, mais on ne parle pas d'"intelliger", comprendre ensemble.
- Bruno : Nous sommes prisonniers des catégories de pensée définies par le langage.
(...)
Le passé c'est ce qui n'est plus que par l'idée que je m'en fais.
- François : Le critère qui fait que le passé est un fardeau, pathologisation du passé. On ne cherche pas ce qui est moi, ce qui n'est pas moi, si j'ai tort d'avoir raison ou raison d'avoir tort.
- Elisabeth :
La joie est quelque chose de léger, actuel, dans l'instant.
C'est l'histoire du disque rayé, il va finir par s'user.
Je ne peux arriver dans la joie de la douleur si je n'ai usé cette douleur. C'est comme l'alchimie, il faut user la matière.
- Bruno : Selon Nietzsche, il faut passer par 3 métamorphoses : chameau, porter le fardeau, puis lion, jeter le fardeau, puis enfant.
J'ai appris que je n'ai pas été désiré par mon père. Ca a été un fardeau. Puis j'ai réalisé que j'étais le fils du désir sexuel, le fils d'Eros.
Prochain sujet
Sujets proposés
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