Qu'est-ce qui rend l'objectivité difficile dans les sciences humaines ?

Café philo du vendredi 27 juillet 2001 au Relais Jussieu à Paris
Qu'est-ce qui rend l'objectivité difficile dans les sciences humaines ?
Animé par Jacques D.
Sujets proposés

3 Le progrès existe-t-il ?
7, 5 Peut-on distinguer intention et action ?
7, 7 Qu'est-ce qui rend l'objectivité difficile dans les sciences humaines ?
6 L'homme est bon, c'est la société qui le corromp
6 Ecouter l'autre, est-ce s'oublier ?
5 Qu'est-ce que le psychisme féminin ?
7, 5 Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
7, 5 L'homme ne vit pas seulement de pain, il lui faut des coûts

Présentation d'Hélène

Nos avis viennent d'opinions qui nous ont été inculquées par notre éducation qui dépend du milieu où nous sommes nés.

Tour de table

Guy : La vérité subjective, conscience, substance, essence, je ne parle pas de l'éternité de l'âme.
Jacques B. : L'objet des sciences humaines, le cerveau humain, est beaucoup plus complexes que celui des sciences dures. Il est donc plus difficile d'arriver à des vérités indiscutables.
Farid : On peut arriver à des conclusions intéressantes par des calculs sur un grand nombre de personnes.
Il est question de sens plutôt de de lien de cause à effet.
L'objectivité n'est possible que dans les sciences indépendandes des passions humaines, les sciences de la nature, la cosmologie, la biologie, où on fait la découverte d'une réalité extérieure à l'humain. Dans les autres, l'homme s'insère comme partie prenante, l'objectivité est impensable.

Réactions de l'animateur

Je ne crois pas à l'objectivité dans quoi que ce soit y compris dans les mathématiques. Si les mathématiques étaient objectivezs, on n'aurait rien inventé. La démographie fait partie des sciences humaines. Si on en prend un gros paquet, on peut prédire autant qu'en physique quantique.

Résumé du débat

Farid : On va vers le savoir par approximations successives. Aussi bien en physique que dans les sciences humaines on a fait des progrès. On cherche des applications pratiques. L'ethnologie est née pour des raisons coloniales. Les sciences sociales sont précises quand elles ne sont pas manipulées, ce sont de vraies sciences.
Jacques D. : Le choix du sujet : qu'est-ce qui fait étudier plutôt eci que cela ?
Raymond : L'homme n'invente pas, il découvre.
Rien d'humain n'est objectif. En sciences humaines l'objectivité est impossible. On est conditionné par l'époque, l'âge, le sexe, le milieu.
Jacques D. : Il faut distinguer l'observatiopn de l'interprétation.
Guy : L'objectivité c'est l'efficacité, la vérité ? La sociologie et la phénoménologie travaillent de pair.
Michel : On confond objectivité et vérité.
Jacques D. : La théorie de Ptolémée était objective mais on s'est rendu compte qu'elle était fausse.
Michèle : Dans les sciences dures il y a une grande part de subjectivité : pourquoi on choisit telle étude plutôt que telle autre ?
Farid : C'est pour une raison matérielle, pratique. Tel groupe a intérêt, telle classe sociale en a besoin. Les connaissances progressent dans tous les domaines. Comme disait Lénine, les faits sont tétus. Dans les sciences exactes on peut faire de la rétention d'information. Egarer le concurrent.
Jacques D. : L'objectivité est-elle souhaitable.
Robert : Les sciences exactes sont objectives. Un ordinateur n'a pas de religion. Heidegger disait que la technique ne pense pas. Un ordinateur n'a pas d'opinion, n'est pas amoureux.
Les sciences humaines ne peuvent pas être appelées des sciences.
Jacques D. : Science, c'est savoir.
Raymond : La théorie de Ptolémée est une objectivité relative. Cette connaissance est sujette à évoluer.
Jacques D. : Est-ce qu'un triangle existe s'il n'y a pas d'homme pour le concevoir ? Oui pour les mathématiciens, non pour les philosophes. L'objectivité est une illusion.
Yves : On croit que l'objectivité est bien, la subjectivité mauvaise. On injecte ses idées.
Jacques B. : On parle d'objectivité et de subjectivité sans avoir défini ces concepts. C'est un problème général, souvent en philosophie on pense être en désaccord sur le fond alors que c'est sur le sens des mots. Je propose de les définir de la façon suivante : un domaine de connaissance est objectif si une étude dans ce domaine nous en apprend plus sur l'objet de cette étude que sur son auteur. Il est subjectif si une étude nous en apprend plus sur son auteur (le sujet) que sur l'objet de l'étude.
Jacques, tu as dit que la théorie de Ptolémée est objective mais fausse. Je pense au contraire qu'elle est subjective mais vraie, dans certaines limites, en tant qu'approximation du réel. Le fait de placer la Terre ou le soleil au centre est une question de point de vue. Ce n'est que par rapport au critère subjectif de simplicité maximale de la théorie que le fait que le soleil est au centre est plus vrai.
Le fait qu'on se demande si le triangle existe ou pas s'il n'y a pas d'homme pour le concevoir montre que le concept d'existence n'est pas clair, sinon il y aurait une réponse évidente qui serait la même pour tous. Il faut donc en préciser le sens. On peut en préciser le sens en répondant à la question. Mais comme il y a deux réponses possible, ça donne lieu à deux concepts d'existence différents, que je propose d'appeler existence potentielle et existence épistémologique. Le triangle existe potentiellement même s'il n'y a personne pour le concevoir, mais il n'existe épistémologiquement que s'il y a quelqu'un pour le concevoir.
Jacques D. : Dans les films fantastiques il y a des créatures qui existent potentiellement parce qu'elles existent dans l'imagination du cinéaste. Mais s'il n'y avait personne pour les imaginer, est-ce qu'ils existeraient potentiellement ?
La connaissance objective est un concept qui existe.
Jacques D. : Benveniste disait qu'il a prouvé l'existence de la mémoire de l'eau. Personne n'a réussi à refaire l'expérience. Croyances :
- Il est impossible que l'eau conserve mémoire d'une molécule qui l'a traversé
- Le fait que Benvéniste n'a pas pu le démontrer n'a pas démontré le contraire.
Les causes de l'échec scolaire sont-elles le milieu ou la génétique ?
Farid : Est-il souhaitable d'être toujours objectif ? On a beaucoup parlé de religion dans les cafés philo. La foi peut soulever des montagnes. Les politiciens doivent être objectifs.
Michèle : La foi soulève des montagnes ?
de bêtise.
Michèle : L'énergie que j'ai en moi. L'objectivité est relative. C'est une approximation provisoire. La vérité est provisoire, relative.
Jacques D. : Même locale.
Raymond : L'eau n'a pas de mémoire, moi j'ai la mémoire du vin.
Jacques D. : Tu prèfères le vin d'ici à l'eau de là !

Conclusion d'Hélène

C'est une notion relative, façonnée par l'éducation. Il faut respecter les différences.

Postlude

Jacques B. : J'ai réfléchi à la question de l'existence potentielle : si on se pose cette question : c'est que le concept d'existence potentielle n'est pas clair. On peut alors le subdiviser en 2 concepts que j'appellerai existence virtuelle et existence imaginaire : quelque chose existe imaginairement s'il existe quelqu'un pour l'imaginer.
Jacques D. : Mais que signifie l'existence virtuelle ?
Jacques B. : Que s'il y avait des hommes ils pourraient l'imaginer.
Jacques D. : Tu devrais lire "Matière à pensée" de Changeux.
[NDLR: Si on considère que le concept d'existence potentielle, ou d'existence virtuelle n'a pas de sens, que quelque chose ne peut exister d'aucune manière s'il n'y a pas au moins quelqu'un qui l'imagine, est-ce toujours un désaccord sur le sens des mots, n'est-ce pas un désaccord plus profond ?]