Café philo du 13 mars 2002 au Bar des Oiseaux à Nice
Sujet : Le sens du non-sens
Animé par Bruno Giuliani

Résumé du débat

• Bruno : Le concept de sens désigne souvent l'objet spécifique de la philosophie, qui n'a pas d'objet spécifique mais s'intéresse au sens.

• Sigfried : J'ai proposé le même thème il y a deux ans dans un autre café philo. Il en est ressorti qu'il n'y a que deux mots vraiment dépourvus de sens : le néant et le vide. Dans "Paroles" de Prévert il y a un petit poème très court : "Un certain Blaise Pascal etc etc etc", c'est un total non-sens. Les philosophes analytiques l'expliquent très bien. Un livre écrit par Pierre Jacob, professeur à l'université de Nancy, a écrit un livre, "Les choses ont-elles un sens" ou "Le sens des choses". Dès qu'on donne un nom on a un sens. (...) Des peintres font une peinture qui n'a pas de sens.

• Bruno : Qu'est-ce que vous entendez par cette notion de sens ?

• Sigfried : Toute chose a un sens. Il faut revenir à la définition du mot chose. Si toute chose a un sens, le non-sens a un sens.

• François : Le sens du non-sens peut être élargi : mon éonnement devant le non-sens.

• Bruno : Qu'est-ce que tu entends par le non-sens ?

• François : Le non-sens peut être l'humour, la poésie. Il peut être latent, attendre d'être découvert, actualisé.

• Bruno : Tu voulais dire quelque chose de fondamental.

• François : J'ai tellement l'habitude...

• Bruno : D'habitude, c'est abyssal, sans fond.

  (rires)

• François : On peut dire l'inverse, rien n'a de sens, c'est à chacun de faire la mondanité du monde. On est dans ce monde qu'on ne comprend pas, il n'y a rien à comprendre.

• Bruno : Comment tu sais que je ne comprends rien ? Et toi, tu ne comprends rien ?

• François : Non, je parle pour vous.

  (rires)

• Bruno : Non seulement il comprend tout, mais il pense à notre place.

• Juste un mot... Le non-sens... j'ai oublié.

• Bruno : On est en plein dans le sujet.

• ... le non-sens est un sens non identifié.

• Bruno : Je vous invite à expliciter comment vous concevez cette notion de sens. (...) La pensée n'est pas que le langage, le discours. Pour Descartes, c'est tout ce qui n'est pas matériel qui apparait à la conscience : sentir, percevoir, imaginer. Il y a 3 sens au mot sens : signification, orientation, sensation.

• Le monde existe parce que je l'observe. S'il n'y a pas un tympan qui l'interprète comme son, le son n'est qu'une vibration. Tout est sens, essence aussi.

• Bruno : Doucement...

• La conscience donne un sens aux choses. La conscience est tout, observatrice ou observée. On a du mal à conceptualiser. Toutes les civilisations veulent donner un sens au monde. La conscience crée le monde.

• Bruno : Est-ce que tout a un sens ou le non-sens a un sens ? Il n'y a rien e vide. Le néant est le contraire de l'être.

• Le langage est polysémique.

• Il faut définir les mots.

• Le langage donne du sens, organise la signification pour aller vers un sens qui est hors du langage.

• Bruno : La différence entre signifiant et signifié permet de penser le monde. (...) L'homme crée du non-sens.

• Jacques : La sémantique est la science de la signification. En informatique théorique, la sémantique d'un programme, c'est ce que fait un ordinateur sur lequel on fait tourner ce programme. Je me demande si on ne pourrait pas généraliser ça et penser la signification en terme d'action comme aboutissement, même s'il peut y avoir des intermédiaires. Par exemple, un homme s'apprête à partir à son travail. Sa femme lui dit : "Il pleut dehors.. L'homme prend son parapluie. L'action de prendre son parapluie est la signification finale de la phrase "Il pleut dehors", avec pour intermédiaire le fait que de l'eau tombe du ciel.

• Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Ce que je vois entre les étoiles c'est du vide.

• Bruno : Du vide de lumière.

• Dans le cosmos, le vide attire les astres. Scientifiquement le vide n'existe pas ou il ne peut être défini.

• Bruno : 99,999... % de l'espace est vide. Les concepts sont des moyens de comprendre. Le futur n'existe pas mais le passé ?

• Le futur est déja là.

• On a rejoint la sensation et la direction. C'est vrai, le sens existe. Est-ce qu'il y a des choses qui n'ont pas de sensibilité ? Tout a du sens. Le taoisme dit que s'il n'y a pas de plein il n'y a pas de vide, ce qui fait le bol c'est le vide. La matière n'existe pas s'il n'y a pas de vide. Le néant c'est à partir d'où ?

• Bruno : On emploie exister pour signifier le surgissement de l'être. L'être est ce qui existe sans rapport au temps. (...) On peut être sans exister mais on ne peut pas exister sans être.

• Je trouve que beaucoup de personnes existent sans être.

• Bruno : Sans être pleinement.

• C'est des robots.

• Bruno : Tu utilise le mot être dans un sens qui n'a rien à voir avec le sens ontologique. On ne peut pas te suivre.

• Je ne le dis pas pour qu'on me suive. Le sens est associé au langage. L'intuition n'a pas besoin du langage.

• On peut y coller de la mémoire.

• Le langage aboutit à mille sens donc à aucun sens.

• Bruno : Tchou Tseu a dit : "Je cherche quelqu'un pour échanger des mots sur ce qu'on ne peut se dire avec des mots." (...)

• François : Il y a un excès de sens dans le non-sens.

• Sigfried : Ca me rappelle la tirade de Lucky dans "En attendant Godot". Lucky était l'idiot qui a sorti cette tirade dont il se dégage un sens. Il faut donner un sens à sa vie en détruisant le non-sens. Il y a une analyse de l'intelligence des gnostiques de Princeton : il y a de l'intelligence dans toute chose qui existe, chaque chose est intelligente dans la mesure de son utilité. Chaque chose a un sens. Rien ne peut exister sans son contraire. La lumière ne peut exister sans l'ombre, l'ombre ne peut exister sans la lumière. Dites les mêmes mots cent fois, ils perdront leur sens.

• Bruno : Donner du sens est une question fondamentale. Est-ce que l'homme est la source du sens, ou est-ce que ce n'est pas à l'homme d'agir de manière sensée, de retrouver le sens, cesser de vouloir donner du sens et rechercher le sens des choses et non le sens désiré pour l'homme. Les mythes religieux ne sont-ils pas l'effort désespéré de l'homme pour donner du sens ? C'est parce que l'homme s'acharne à donner des faux sens que nous vivons dans un monde irrationnel. Selon le sage Swami Prajnantag, il faut cesser de donner du sens, simplement accueillir le sens des choses.

• Carole : Nous avons des difficultés à donner une forme au fond. Il y a un non-sens : "Je regarde le soleil se coucher".

• Bruno : Ce n'est pas un non-sens, c'est une erreur.

• Le non-sens conduit à un cercle vicieux. On ne trouve pas le fond, c'est une forme de folie.

• Annie : Pour sortir du langage, de la pensée, il faut courir le risque de se tromper.

• Selon Deleuze, il faut cesser de vouloir interpréter et commencer à comprendre.

• La peinture abstraite n'a pas de sens.

• Bruno : La dépression c'est quand il n'y a plus de désir, tout se vaut, la différence entre ce qui est bon ou mauvais, le désir est la source de l'action. (...) Woody Allen : "La réponse est oui, mais quelle est la question ?"

  (pause)

• Bruno : Je vous invite à revenir à la vie concrète, à la réalité, appréhender ce que signifie "ça a du sens" ou "ça n'en a pas". La métaphysique n'a de sens que reliée à l'éthique. (...) Tout a un sens, les hommes ne le comprennent pas, le cherchent ailleurs. Notre monde vit dans l'absurdité, les faux sens. (..)

• François : Pourquoi n'y a-t-il rien plutôt que quelque chose ?

• Jacques : Cette idée d'un sens absolu est dangereuse, potentiellement dictatoriale. Elle permet de dire "J'ai trouvé le vrai sens des choses et je vais l'imposer à tout le monde".

• Bruno : Il ne s'agit pas de l'imposer.

• Jacques : D'accord, mais cette idée d'un sens absolu rend possible cette dérive. Quelqu'un qui est persuadé d'avoir trouvé le vrai sens des choses, celui que tout le monde aurait intérêt à suivre, pourrait être tenté de l'imposer dans un but humanitaire.
  Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Les mathématques sont l'étude du néant comme la physique est l'étude de notre univers. Même si les mathématiques utiles ne sont pas les mêmes dans les différents univers possibles, les vérités mathématiques sont vraies dans tous les univers, et seraient toujours vraies s'il n'y avait pas d'univers. S'il n'y avait rien, il y aurait donc quand même des théories mathématiques. Or les lois physiques sont des formules mathématiques. Notre univers pourrait donc être la façon dont notre conscience perçoit une théorie mathématique.

• Bruno : Ca rejoint Aristote et Platon. (...) Woody Allen a dit : "Et si tout était illusion, si rien n'existait ? Dans ce cas, j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher. "

• Pour moi le sens est commode pour fixer les barrières. Contourner le sens par la dérision. La vie est dérision. On passe trop de temps à s'interroger sur le sens.

• Ca peut être un piège de chercher du sens à tout, trouver du sens à l'avenir, un sens absolu qui explique tout de l'extérieur. Le sens das choses est dans les choses, le sens de la vie est dans la vie.

• Bruno : C'est la philosophie de l'immanence. Généralement on recherche du sens dans la transcendance. Chez les taoistes et Bouddha, le christianisme et chez Nietsche et Spinoza, ce sont des sagesses de l'immanence.

• La vie pousse à évoluer, à se dépasser.

• Bruno : Pour la philosophie de l'immanence, le sens est ici et maintenant. La volonté de puissance pour Nietzsche, l'âme pour Aristote. Le sens de la vie est immanent à la vie. Ce n'est pas bouddhiste, c'est la sagesse. Il n'y a qu'une seule forme de sagesse, les bouddhistes, les stoïciens, ils disent tous la même chose.

• Il y a une limite à l'intellectualisation. On va se couper du coeur de la vie.

• Bruno : Sauf si l'intellect sert à libérer l'esprit de l'illusion.

• L'intellect n'est-il pas l'illusion ?

• Bruno : Parce qu'on est dans l'erreur, on cherche la vérité.

• Elisabeth : La réunion des antagonismes est un point qu'on ne peut nommer.

• Bruno : Les mots servent à nommer ce qui n'existe pas.

• Elisabeth : Il y a une analogie avec la chenille et le papillon, la lyse signifie dissolution, entre les deux, ce n'est ni une chenille ni un papillon. On ne peut pas en parler.

• Bruno : Alors tais-toi !

• François : Les artistes dada pensaient que les gens allaient trouver ça beau, et ils sont tellement cons, ça n'a pas loupé !

  
  'Merz Picture with Rainbow' Kurt Schwitters 1939 Oil and wood on plywood

• Carole : Quand on a la vérité, on se tait.

  (...)

• Même les bêtises ont un sens.

• Bruno : C'est le mauvais usage du langage qu'il faut critiquer, le langage est une merveille. (...) C'est le langage faux, vide qu'il faut critiquer. La parole qui va dans le sens de la vie est la philosophie authentique. Parler pour mieux vivre, mieux agir.

Prochain sujet

• Choisit-on d'être drôle ?
• Pourquoi je veux ce que je ne peux pas ? Pourquoi je peux ce que je ne veux pas ?
• Sujet choisi : L'extase.

Tirade de Lucky dans "En attendant Godot"

Etant donné l'existence telle qu'elle jaillit des récents trvaux publics de Poinçon et Wattmann,
d'un Dieu personnel quaquaquaqua à barbe blanche quaqua, hors du temps , de l'étendue,
qui du haut de sa divine apathie, sa divine athambie, sa divine aphasie nous aime bien à quelques expression près;
on ne sait pourquoi mais ça viendra
et souffre à l'instar de la divine Miranda avec ceux qui sont.
On ne sait pourquoi mais on a le temps dans le tourment,
dans les feux , dont les feux, les flammes pour peu que ca dure
Encore un peu ?
Et, qui peut en douter, mettront à la fin le feu aux poutres;
Assavoir !
Porteront l'enfer aux nues, si bleues par moment, encore aujourd'hui.
Et calmes si calmes d'un calme qui pour être intermittent
n'en est pas moins le bienvenu;
Mais n'anticipons pas !
Et attendu d'autre part, qu'à la suite des recherches inachevées...
N'anticipons pas !
... des recherches inachevées mais néanmoins couronnées par l'acacacacadémie d'Anthropopopométrie de Berne-en-Bresse de Testu et Conard;
Il est établi sans autre possibilité d'erreur que celle afférente aux calculshumains, qu'à la suite des recherches inachevées...
inachevées de Testu et Conard
Il est établi, tabli, tabli ce qui suit, qui suit, qui suit,
assavoir
mais n'anticipons pas
On ne sait porquoi à la suite des travaux de Poinçon et Wattmann, il apparait aussi clairement, si clairement qu'en vue des labeurs de Fartov et Belcher
inachevés... inachevés
il apparait que l'homme contrairement à l'opinion contraire que l'homme en Bresse de Testu et Conard...
que l'homme enfin ...
bref que l'homme, que l'homme en bref enfin malgrès les progrès de l'alimentation et de l'élimination des déchets,
est en train de maigrir et en même temps, parallèlement, on ne sait pourquoi,
malgré l'essor de la culture physique, de la pratique des sports tels, tels...tels...le patinage sur asphalte, le tennis sur sapin, le hockey sur mer et dans les airs
en même temps de rapetisser, on ne sait pourquoi malgré...
Je reprends...
on ne sait pourquoi de maigrir, rétrécir...
Je reprends...
bref la perte sèche par tête de pipe environ en moyenne
à peu près
bref enfin peu importe les faits sont là et considérant d'autre part, ce qui est encore plus grave qu'il ressort, ce qui est encore plus grave qu'à la lumières des expériences en cours de Steinweig et Petermann, abandonnées de Steinweig et Petermann qu'à la campagne à la montagne et au bord de la mer et des cours d'eau et de feu l'air est le même et la terre
assavoir
l'air et la terre par les grands froids l'air et la terre fait pour les pierres
hélas au septième de leur ère l'éther, la terre, la mer pour les pierres par les grands fonds, sur mer , sur terre et dans les airs
Peuchère !
Je reprends
On ne sait pourquoi les faits sont là...
Au suivant
Enfin hélas au suivant pour les pierres qui peut en douter
Je reprends mais n'anticipons pas !
Je reprends la tête en même temps parallèlement
Au suivant
la abrbe, les flammes, les pleurs, les pierres si bleues, si calmes...
Hélas, la tête, la tête, la tête la tête en ...
Je reprends !
Hélas je reprends au suivant la tête, les pierres, Conard, inachevés !...