Café philo du 5 décembre 2000 uu bar Onyx à Nice
Quels sont les effets de la mondialisation ?
Animé par Eve Depardieu

Votes et Thèmes proposés :

Résumé de quelques interventions

  • La mondialisation instaure une pensée unique. Las lois internationales prévalent sur celles des pays.

  • Jacques : La mondialisation va dans le sens de l'évolution de la vie dans l'univers, qui se construit par assemblage d'éléments en structures de plus en plus complexes : particules, atomes, molécules, cellules, individus, sociétés. Ce thème est lié au dernier thème proposé et au troisième : de même que les individus sont tous différents, ont chacun leur personnalité propre, les peuples ont aussi leur personnalité et il serait normal que les lois soient le reflet de cette personnalité et soient décidées au niveau des états ou même des régions, car il y a aussi des différences d'une région à l'autre dans un même pays, sauf dans les cas où les répercussions dépassent les frontières : par exemple un accident dans une usine peut entrainer une pollution dans les pays voisins.

  • Je ne suis pas d'accord, les cellules qui s'associent pour former des êtres vivants, ça n'a aucun rapport avec les individus qui forment des sociétés. Le noeud de la mondialisation, c'est l'argent.

  • François : Les effets sont globalement négatifs. On oppose identitarisme et universalisme, mais en fait c'est globalement la même chose. Le désaccord porte sur certains critères.

  • Jacques : Je suis d'accord, le noeud de la mondialisation c'est l'argent, et l'argent est un instrument de pouvoir. Le véritable noeud de ce mouvement d'évolution de la vie est le pouvoir. Quand une petite bête rencontre une grosse bête, c'est la grosse qui mange la petite. Les cellules ont donc intérêt à s'associer pour former des bêtes les plus grosses possibles.

  • Eve : Oui, mais il arrive que des bêtes très petites, en proliférant, envahissent d'autres bêtes plus grosses et les tuent.

  • Jacques : C'est vrai, l'association n'est pas la seule voie possible vers le pouvoir.

  • François : Dans un organisme, le but est le bien être de chaque cellule. La société est basée sur l'échange commercial, un rapport économique qui ne profite qu'à certains. La mondialisation est soi-disant un facteur de paix, mais la SDN a conduit à la deuxième guerre mondiale.. La régulation mondiale est nécessaire. Il n'y a plus de dichotomie communisme / non communisme. Il en faut une autre de remplacement. La mondialisation a un effet culturel néfaste : abaisser tout le monde au plus petit dénominateur commun.

  • Patrick : La mondialisation vient peut-être du désir d'universalité. C'est une utopie, c'est la négation de l'identité, de la particularité.

  • La musique est un langage universel.

  • François : La mondialisation c'est la réification du monde. La musique est un loisir. C'est moins important que de manger.

  • Jacques : Il y a deux conception opposées :

  • Eve : information : du 4 au 7 juillet 2001 au Palais des Festivals à Cannes, deuxième congrès européen des sciences de l'homme et des sociétés. Le 19 décembre 2000 : dernier café philo au bar Onyx, ensuite ça sera peut-etre au bar des oiseaux.

    Compte-rendu de l'animatrice

    La mondialisation est un terme à la mode : il revient dans de nombreux discours et articles qui traitent et analysent l'actualité. Mais de quoi s'agit-il exactement, et y a-t-il matière à espérer ou à s'inquiéter ?

    La question présuppose déja le fait accompli et nous demande d'en mesurer les effets : sommes-nous tous d'accord sur la réalité du phénomène, sur sa nature, et sur l'ensemble de ses conséquences ?

    Il s'agit de savoir ce que l'on entend exactement par "monde", car le terme recouvre plusieurs sens qui vont de l'échelle planétaire (en commençant par la Terre), jusqu'à l'échelle universelle (ensemble de tout ce qui existe, univers dans toute sa matérialité et son abstraction). Il désigne des ensembles : depuis l'ensemble de la surface du globe terrestre jusqu'à un nombre indéterminé de personnes appartenant à un milieu social bien caractérisé, ou exerçant un type d'activité bien défini. A l'origine, le mot a un sens limité très précis : mondus, en latin, est la traduction du mot grec kosmos, qui signifie, d'abord collier ou parure. Puis, le sens sera étendu à celui d'ordre et d'univers (=le monde, en tant que totalité ordonnée, harmonieuse et finie, tel un ciel paré d'étoiles). A cet aspect vient s'ajouter l'idée de système hiérarchisé, formé par la Terre, au centre, et les astres qui l'entourent (cf. A. KOYRE, 1882-1964, "Du monde clos à l'univers infini" PUF, 1962).

    Mais l'introduction de l'idée d'infini fait de la notion de monde un quasi synonyme de celle d'univers. Sa seule spécificité réside alors dans le fait qu'elle désigne des ensembles de choses et d'êtres qui, malgré leur diversité, partagent un caractère essentiel commun (monde sensible, monde intelligible, monde intérieur, monde extérieur etc..., cf. M. MERLEAU-PONTY, 1908-1961, "Le visible et l'invisible", 1964). La phénoménologie de HUSSERL (1859-1938) et l'existentialisme de SARTRE (1905-1980) utilisent la notion de monde pour désigner l'ensemble des objets qui s'offrent à la perception d'un sujet conscient, capable d'avoir une expérience sensible, affective et rationnelle.

    Le mondialisme est une doctrine politique qui consiste à vouloir réaliser l'unité politique de toutes les communautés humaines qui se soumettraient volontairement à l'autorité d'un seul et unique gouvernement mondial. La mondialisation ajoute l'aspect économique dominant le politique, le social et le culturel : parvenir à l'unité du système économique et à la pensée unique (à un système de valeurs unique), ce qui revient à ne prendre en compte que des groupes humains qui sont capables de s'élever au niveau de partenaires économiques valables et sérieux, et donc, inévitablement, à écarter, voire éliminer, tous ceux qui fonctionnent selon des systèmes de valeur différents.

    Sommes-nous, à l'heure actuelle, en train de subir les effets sélectifs d'un tel ordre économique mondial qui déciderait donc de l'avenir de chaque individu en fonction de son poids économique, de ses forces de production, de distribution, de consommation, et de son habileté à spéculer (cf. V. FORRESTER, "L'horreur économique") ? Mais comment est-ce possible, alors qu'il n'existe pas de véritable gouvernement mondial établi et reconnu par tous : institué en fonction d'une volonté politique, sociale et culturelle unanime, consensuelle, par commun accord de tous les chefs de gouvernement actuels qui se seraient déclarés favorables, sans exception, à une telle union ? Ne sommes-nous pas encore loin du compte, à commencer par le fait que les gouvernants en exercice ne sont pas tous des représentants légitimes (élus démocratiquement) et, que, quand bien même ils le seraient, ils subissent, de toutes façon, la pression des décideurs en matière de haute finance, c'est-à- dire d'intérêts financiers privés érigés en loi universelle ? Ne sommes-nous pas en plein leurre, victimes d'une magistrale imposture ?

    Rares sont les philosophes qui, dénonçant pourtant les tentatives de mystification et d'exploitation de l'homme par l'homme, tant religieuses que politiques, et, aujourd'hui économiques, ont pu échapper à la tentation universaliste, partant de postulats tels que l'identité de la nature humaine, l'unicité de la raison ou de l'âme, l'universalité des droits fondamentaux, afin de trouver un principe unique de réunification, ce qui revient à trouver, en fait, un dénominateur commun qui puisse rassembler les êtres humains en un seul et même grand corps, évoluant selon quelques principes directeurs aussi valables et contraignants que les lois universelles de la nature (cf. KANT, 1724-1804 et HEGEL, 1770-1831).

    Les philosophes ont longtemps spéculé sur la valeur en soi de l'être humain, pris dans sa globalité comme citoyen du monde, se fondant sur un système de valeur considéré comme universellement valable, en écartant vigoureusement l'idée qu'il puisse être réduit à l'état d'objet particulier ou de marchandise négociable et monnayable, se plaçant résolument sur un plan théorique, alors que, sur le terrain, le marchandage, la spéculation financière et la guerre économique font rage, faisant peu de cas de la valeur d'une vie humaine : la mondialisation du système de l'économie de marché a-t-elle pour conséquence d'évincer l'activité désintéressée et purement théorique de l'intellect humain au point de réduire à néant toutes les tentatives de remise en question ?

    Le fait même d'avoir défini le phénomène sous l'appellation plus ou moins contrôlée de "mondialisation", de le décrire sous tous ses aspects, depuis les plus idéaux jusqu'aux plus apocalyptiques, de l'analyser sous tous les rapports, ne revient-il pas à dégager les aspects positifs et à dénoncer les aspects pervers afin de mieux les circonscrire ? Apparemment, la sonnette d'alarme est agitée par de nombreux esprits critiques qui refusent de se laisser mondialiser à leur insu, de laisser le monde, sous l'emprise des rois de la finance, devenir l'enjeux des négociations entre groupes privés. Il y a toutes sortes de forces qui relient les affaires privées à la vie publique, en particulier des forces de résistance dont l'intensité est difficile à évaluer mais qui se révèlent dans les moments décisifs (les difficultés de la construction européenne, d'une union à l'échelle d'un continent, en sont actuellement le meilleur exemple).

    Le mouvement de mondialisation réduit au seul aspect économique ne peut satisfaire un esprit en quête de globalité : comment pourrait-il même se concevoir sans tenir compte du politique, du social, du culturel, du spirituel, du philosophique, de tous les secteurs où se déploie une intense activité humaine. Déja le phénomène est pensé par anticipation et la prise de conscience de ses effets les plus négatifs est une force d'interposition qui peut en infléchir le cours et faire changer d'objectif.