Café philo du Mercredi 24 janvier 2001 au bar des Oiseaux à Nice
La loi est-elle le produit de l'erreur commune ?
Animé par Bruno Giuliani
Résumé des interventions
- La loi nécessite-t-elle un fondement moral invariant ou
doit-elle varier ?
- Bruno : Existe-t-il une vérité morale ?
- On parle de dépénaliser l'usage des drogues douces.
Va-t-on indemniser ceux qui ont été emprisonnés pour en avoir consommé ?
- Existe-t-il une loi valable pour toute l'humanité ou
la loi est-elle relative à la culture ?
- Bruno : Existe-t-il une loi juste dans l'absolu ?
Le concept hegelien de droit débouche sur une justice absolue.
- François : On dit que la loi est incompréhensible donc dans l'erreur.
- Bruno : La question de la légitimité de la loi peut être fondée sur
la méconnaissance du fondement de la loi, de sa nature.
- Il n'y a pas que sa diversité mais aussi son incohérence.
A 60 ans je dois prendre ma retraite mais les ministres peuvent
continuer à travailler.
- Bruno : Tu présupposes que la loi doit être cohérente.
- Christian : Le fondement du droit est l'ordre public.
- Bruno : Est-ce que ce n'est pas plutôt sa finalité ?
- Christian : C'est l'ordre public qui conditionne la loi.
- Bruno : Ce n'est donc pas l'ordre public qui est le fondement de la loi
mais la volonté de rétablir l'ordre public.
(...)
Pour que la loi soit juste, il faut qu'elle puisse évoluer.
- Evoluer avec les moeurs.
- Laetitia : L'avortement a l'air d'être une loi morale mais c'est une loi sociale
faite après la guerre pour faire des enfants.
- Les droits de la moitié de l'humanité sont constamments bafoués.
- Un exemple de loi erroné est l'Afghanistan, les talibans bafouent le droit
des femmes, cette loi n'a aucun fondement moral.
- La loi est faite pour pallier au manque de responsabilité.
- Le droit d'ingérence consiste à imposer aux autres son commerce,
son point de vue.
Les hommes politiques sont intouchables (les affaires).
- L'absolu s'oppose au pragmatisme : le Léviathan, utilité.
- Bruno : On pourrait imaginer un gouvernement des sages.
C'est une utopie.
- Jacques : Ca poserait certains problèmes. Qui déciderait qui
est sage ? Ca ne ferait que déplacer le problème de la démocratie.
- Bruno : Dans cette utopie, tout le monde serait sage.
- Jacques : Alors il n'y aurait plus besoin de loi car tout le monde
se comporterait bien spontanément. Mais dans notre société, tout le
monde n'est pas sage, et un autre problème est que les sages ne sont
pas avides de pouvoir. Ceux qui sont intéressés par une carrière politique
ont un goût du pouvoir, ce ne sont donc pas les plus sages.
Un autre problème de la loi estg qu'elle délimite des catégories précises :
ce qui est autorisé d'une part, et ce qui est interdit d'autre part, alors
que la réalité est plus floue. La loi introduit une discontinuité
dans une réalité continue. Par exemple, à propos de l'avortement,
on a parlé du droit des femmes de disposer de leur corps. A priori
je suis d'accord avec ce droit, mais la question qui se pose est celle
de la délimitation du corps de la femme : est-ce qu'il englobe celui
du foetus, ou est-ce qu'il s'arrête au cordon ombilical, et à l'autre
bout du cordon il y a un autre corps d'une autre personne ? Dans ce
cas, que fait-on du droit du foetus de disposer de son corps ?
Le problème est qu'il y a une continuité entre la première cellule
qui est physiquement un être unicellulaire comme un microbe,
et le foetus une minute avant l'accouchement, qui est quasiment le même
qu'après la naissance, et la loi doit fixer une limite dans cette continuité.
- François : La loi n'est pas faite pour l'individu mais pour la société.
(pause)
- Je pense que c'est l'anarchie qui serait bien. Ce serait la
responsabilité individuelle. Une seule loi : ma liberté s'arrête où
celle de l'autre commence. L'idée d'être. Je suis une mère chat :
quand mes enfants peuvent se débrouiller, je les laisse.
- Bruno : L'anarchie n'est pas l'absence de loi mais l'absence
de chef qui impose la loi.
- Le pire de la loi c'est la religion. Selon Krishnamurti,
l'homme peut trouver en lui sa loi. Sois responsable de toi.
- Ce qui me surprend c'est qu'on ne voit que l'aspect négatif de
la loi, la sanction. La loi c'est aussi la protection.
- La négation d'une loi est déja une loi.
- Bruno : L'anarchie est l'état où personne ne domine.
Le pouvoir politique ne prend sa légitimité que d'une constitution qui
lui donne le monopole de la violence (Max Weber).
Est-ce que ce n'est pas le fondement de l'état qui est à remettre
en question ?
- L'âge d'or, la soupe primitive, l'amalgame qui a été fait, l'état-nation,
rencontre d'ethnies diverses, a légiféré, au néolithique en 6000 avant
Jésus Christ. La loi est une acculturation.
- François : La guerre semblerait hors la loi. Comment la
légitimer, parler de loi de la guerre n'est-il pas absurde ?
En ce qui concerne l'Afghanistan, il faut comprendre ce qui se passe,
le fondement de la loi.
- Il faut penser la loi hors de son contenu, comme point de
repère nécessaire qui permet à chacun dans sa liberté de suivre
ou transgresser cette loi, pouvoir se situer par rapport à l'autre.
- La recherche d'un fondement universel du droit n'est pas un luxe.
(...)
Ce fondement universel évite la violence planétaire.
Quel est ce fondement ? On peut éliminer la justice, la métaphysique,
la morale, l'utilité. Le fondement universel serait dans la droite
ligne de Spinoza la non souffrance, contraindrait au minimum le
désir de chacun. C'est le droit naturel.
- Alain : On ne peut nier à la loi un fondement religieux.
Trop de loi tue la loi.
- Dans le décalogue il y a 3 lois spécifiques à un dieu,
et 7 lois noachiques pour tous les hommes.
L'origine métaphysique de l'esclavage : les esclaves étaient ceux
qui n'obéissaient pas à ces lois noachiques.
- Qu'est-ce que nous faisons de la loi ?
- Alain : Le but de la loi n'est pas la justice mais la stabilité
de la société, un consensus, le moindre mal.
- Je suis écoeuré par cette idéologie du droit. Notre société
fonctionne par le pizzo [racket]. La loi sert à maintenir les privilèges.
Les commerçants, les indépendants ont trop de démarches administratives,
d'impôts, il faut tricher pour s'en sortir.
- La loi devrait être fondée sur une morale, une éthique,
sur quelle valeur universelle, est-ce qu'elle existe ?
Est-ce qu'il y a vraiment des valeurs universelles ?
- La notion de judéo-christianisme est une absurdité.
Les religions juives et chrétiennes sont très éloignées.
Sujets proposés pour le prochain café philo
- Est-ce que la fidélité échappe au flux du devenir ?
- Est-il souhaitable de sortir de nos illusions ?
- Ne vaut-il pas mieux vivre d'illusion plutôt que sans passion ?
- Sujet choisi : L'action est-elle le fruit de l'inquiétude ?
- Les mots ont-ils un sens ?
- L'homme sera-t-il toujours un animal social ?