Café philo du mercredi 30 mai 2001 au Malevitch à Paris
Thème : Le langage nous sert-il ou nous dessert-il ?
Résumé du débat
(...)
La parole dépasse la pensée, c'est dangereux.
Le langage structure la pensée.
Le langage est un outil. La métaphore de l'outil a un sens négatif :
enfoncer le clou, un coup de massue, un coup d'épée dans le dos, marteler.
On peut faire très mal avec des mots qui dépassent la pensée.
Mais c'est aussi un outil qui aide à la compréhension, à la communication.
Jacques : Le langage qui est discontinu ne permet de décrire qu'approximativement un réel continu. Souvent dans les controverses philosophique le désaccord ne porte pas sur le fond mais sur le sens des mots.
Il y a des langages spécialisés dans les différentes professions, les chapelles, les groupuscules avec des vérités constituées.
Les psycholoques se tapent dessus, ne sont pas d'accord entre eux.
Roland : Agnès soutient 2 idées contradictoires :
la langue est commune à tous les hommes, et il y a des petits comités dans lesquels on peut se comprendre.
Quand on connait quelqu'un, on sait comment il parle.
Chacun a sa façon de parler propre. Le langage n'est pas la même chose pour tout le monde. Certains parlent pour ne rien dire.
Serge : On ne reconnait pas sa propre voix. Pourquoi se reconnaitrait-on
au niveau du sens ?
Roland : A l'Ecole Polytechnique il y a eu un bizutage qui consistait à parler
pour ne rien dire lors d'une cérémonie à l'Arc de Triomphe.
Le polytechnicien a dit : "Jamais la désespérance ne fut de l'espérance, mais
la France sera toujours la France et les Français seront toujours les Français."
Meme si on parle pour ne rien dire, on occupez le temps.
C'est comme l'épouillage. C'est une activité sociale.
Claude : Quand on retranscrit mal ou partiellement des propos, on cause du tort.
Certains parlent de façon incompréhensible. Le langage devrait permettre
à tout le monde de comprendre.
Raymond : La langue de bois est minoritaire. Ca pose le problème de l'interprétation.
Dans l'écrit, l'interprétation est faite par le lecteur.
Dans le langage parlé, l'interprétation, au sens théatral, est faite par celui qui parle.
Selon qu'on prononce de telle ou telle façon on change le sens.
Langue de bois : les politiques veulent faire des discours que tout le monde attend, veut
entendre.
Roland : Certains ne parlent que pour ne rien dire.
Serge : La compréhension d'un texte aide à faire passer beaucoup de choses.
Si on a une difficulté pour ce qui n'est pas notre domaine il y a rejet.
L'homme politique, tout le monde comprend, c'est de la langue de bois.
Quand on n'est pas du domaine, il y a du travail à faire.
Raymond : Il y a des mots qui n'ont pas la meme signification dans différents domaines :
"révolution" en politique signifie changement, et en astronomie trajet régulier d'une
planète c'est-à-dire non changement.
"réaction" en physique c'est ce qui propulse, en politique ce qui stoppe le mouvement.
Jacques : En vous écoutant j'ai l'impression que vous n'aimez pas entendre quelque chose
que vous ne comprenez pas. Quand je comprends ce que j'entends, c'est soit quelque
chose que je sais déja, soit ce n'en est pas loin. Si je ne comprends pas, il y a des chances qu'il y ait là
un savoir situé bien au-delà de mon domaine de connaissances, et c'est là que je
peux avoir des choses intéressantes à apprendre.
Mais parfois, dans certains discours, je ne comprends vraiment rien du tout.
Jacques : Il faut y aller progressivement. Si tu vas à un cours de chromodynamique quantique et que
tu ne comprends rien, il faut d'abord suivre des cours de physique élémentaire.
Roland : Quelquefois on se glorifie de ne pas comprendre ce qu'on fait.
Par exemple avec le calcul tensoriel, on a quitté toute possibilité de faire une
représentation visuelle. On applique la méthode en aveugle et on s'en glorifie.
Raymond : Dans la poésie moderne c'est surtout la musique des mots.
On ne comprend pas, il n'y a rien à comprendre.
Agnès : Qui serait content quand il reconnaitrait que sa parole n'a aucun sens ?
Le café philo est un lieu où l'on parle pour ne rien dire et pour ne rien entendre dire,
on y va comme on va au zoo.
Agnès : Si on ne dit pas "Est-ce que ça va, est-ce que tu m'entends ?"
le langage va vers rien, on s'arrete de parler. Est-ce que c'est possible de parler et de
réfléchir en meme temps ? C'est difficile.
La pensée est reformulée en image puis rentre dans les mots.
La parole est réfléchie tellement que ce n'est plus de la parole, comme au billard.
Agnès : La vulgate, tout le monde est d'accord pour prononcer les phrases
que la recherche a fait apparaitre. Puis le chercheur découvre que ce n'est
pas vrai. Ca devient de la langue de bois. Exemple : "L'inconscient est structuré comme un langage"
(Lacan).
Jacques : Qui a démontré que c'est faux ?
Roland : Ce n'est pas de la langue de bois.
Quand j'étais déprimée j'avais des difficultés pour parler, les mots
ne venaient pas, j'avais des problèmes de mémoire. Ce réflexe de ne pas avoir
les mots revient.
Roland : On n'est pas obligé de parler tout le temps.
La thérapie utilise le langage. Le thérapeute est le pire des ratés.
Il se réfugie comme un parasite sur un prétendu malade.
Agnès : Les thérapies ne sont pas toutes verbales. Il y a aussi
la musicothérapie, etc...
Roland, tu observes des hommes en train de philosopher ?
Roland : Oui.
Agnès : Tu n'as pas fait signer un protocole à ces cobayes humains ?
Roland : Je transgresse.
L'animateur : Beaucoup font ça mais peu le disent.
Sujets pour mercredi prochain
4 voix - Raymond : Partir c'est mourir un peu.
Refusé (compris dans le 1er) - Agnès : Ailleurs l'herbe est plus verte.
5 voix, sujet choisi - Roland : A quoi sert l'argent ?
2 voix - Etre sincère est-ce se mentir à soi meme ?