S 13-5-2000

Thèmes proposés :

Thème choisi : Quelle est l'importance du langage dans un débat philosophique ?

Animateur : Lê.

Synthèse

Cette discussion a mis en évidence les limites du langage : c'est un outil que nous ne maitrisons pas toujours car le sens des mots n'est pas toujours clairement défini. Le langage permet de dissimuler la pensée et de jeter un voile obscur sur des problèmes déja complexes. Les émotions et les sophismes permettent de manipuler les autres. Un bon avocat peut défendre une mauvaise cause. Le langage n'est que compensatoire quand les choses ne vont pas de soi.
Cependant, malgré ces limites, le langage est nécessaire à tout débat philosophique. La pensée induit le langage et le langage induit la pensée. La pensée est une pesée. Un langage précis exempt d'émotions et dans lequel le sens des mots est clairement défini et accepté par tous doit permettre la confrontation des idées selon certains participants, mais selon d'autres l'émotion est nécessaire pour que nous soyons plus que des ordinateurs. Le fait que le langage permette de dissimuler la pensée permet de préserver son intimité.
Le langage est donc un outil nécessaire à la pensée dont on doit être conscient des limites.

Résumé des interventions

Le langage dépend de celui qui l'utilise, son instruction, sa culture...

La connaissance apporte la liberté.


Gilles : Seul l'homme a la perception de la réalité.
La pesée est une pensée. La pensée de cette pesée. Syntagme qui interroge sur
la question de cette dialectique.

Françoise : Un bon avocat peut défendre une mauvaise cause.
L'intelligence, la coloration de la voix, la vitesse de débit des mots,
le fait que l'orateur soit dominateur interviennent.

Anne : Les philosophes peuvent être déclassés d'un moment à l'autre.
Saint Thomas d'Aquin était considéré comme un philosophe puis comme un théologien.
L'humour peut avoir de l'importance.

Lê : Un philosophe est-il quelqu'un qui a un titre universitaire ?

Anne : Hélas oui.

Stéphane : Le langage est fonction du mode de pensée. Encore faut-il qu'il y ait pensée.
De 7 à 12 ans c'est le stade opérationnel concret. 
Concepts induits par chose réelle, par exemple une chaise est 
quelque chose sur lequel on s'assied. On définit une chose par ses
propriétés premières et secondes.
Concepts formels :
	science : technique  
	mathématiques : calcul
	philosophie : rien
	psychologie : différents langages
Le langage n'est que compensatoire quand les choses ne vont pas de soi

Foty : Nos différences ne seraient peut-être que des aspects de soi
non encore éclos ou cachés par d'autres choses.
Jacques : Le langage a une grande importance en philosophie parce que 
quand on discute de concepts on utilise certains mots
dont on présuppose qu'ils ont un sens accepté alors que souvent
le désaccord ne provient pas de questions de fond mais de questions
concernant le sens des mots.
Par exemple quand on demandait à Einstein s'il croyait en l'existence
de Dieu, il demandait "Dites-moi exactement ce que vous entendez par Dieu
et je vous dirai s'il existe.".
Souvent, il faudrait peut-être poser le problème en sens inverse et partir 
de la réponse qu'on a décidé de donner à la question et c'est cette 
réponse qui donnera le sens précis des mots.
Notre connaissance de nous-mêmes, de nos propres règles de fonctionnement
qu'on ignore souvent ce qui fait qu'on fait des choses sans vraiment
savoir pourquoi et quelles sont nos motivations profondes; en connaissant 
ces règles on peut savoir quel est dans ce déterminisme la part de
liberté qu'on peut avoir et ça nous permet effectivement d'être plus libres.
Les animaux aussi perçoivent la réalité comme nous mais ils n'ont pas une 
intelligence aussi grande pour la manipuler, la conceptualiser et faire des 
prédictions à partir de leurs perceptions.

Marie : le langage est très important.
Parler du passé ne va pas nous faire entrer dans ce que l'on vit.
Est-ce qu'on se borne à parler de concepts ? C'est la réflexion du
contemplatif.

Lê : débat très contreversé parce que insoluble entre la philosophie
comme démarche et la contemplation.

Gilles : Mémoire pour avoir connaissance sur la réalité de l'autre.
La mémoire est un outil pour entrer dans la modernité sur l'ouverture
de la réalité.

Lê : La contemplation considère que le réel est là. 
Il suffit d'être dans un état de non questionnement.
L'esprit contemplatif est un état d'esprit de sagesse, 
de non questionnement, de non pensée. 
C'est un objectif impossible mais c'est comme ça que les sages essaient 
de fonctionner.
Pour les philosophes mettre en doute ce qu'il voit.
Tendre vers la sagesse, la pensée n'est qu'une étape.

La majorité des philosophes s'intéressaient aux origines du monde,
essayaient de comprendre le monde.

Lê : Socrate disait "Tout ce que je sais c'est que je ne sais rien.".

Antonio : Ceux qui n'ont pas pris la parole dans la première partie
seront, selon les règles, prioritaires dans la seconde partie.

Lê : Pour Comte-Sponville philosopher c'est vivre, mais quand on
a appris c'est déja trop tard.
 
Raymond : Il n'y a plus de communication car trop de communication.
	Dans la commutication il y a l'émetteur et le récepteur.
	Par exemple à Bruxelles le sexe des femmes on dit que c'est une mijole
	et en général on considère que c'est excessivement vulgaire.
	Et quand j'ai épousé une Bretonne licenciée en lettres modernes
	elle a dit "Oh comme c'est joli".
	Talleyrand : le langage est fait pour dissimuler ma pensée.	
	Voilà le sommet de l'hypocrisie.
	Le but de la philosophie est d'éclaircir les idées.
	Elle jette un voile obscur sur des problèmes qui ne sont déja pas simples.
	En général tous les philosophes modernes sauf Bouvres et Bourdieu qui sont clairs, 
	mais Lacan est très obscur. La seule chose que Lacan a écrit de clair est sa thèse
	de médecine.
	Danger de la contemplation : on pense mieux quand on bouge.
	Selon une expérience, les étudiants qui mâchent du chewing-gum
	sont plus efficaces. Si on les avait fait pédaler ils 
	auraient été encore plus efficaces.
	Dans l'action on a une réponse immédiate.
	Avant les philosophes faisaient de la science et les scientifiques faisaient de la 
	philosophie. Il y a 150 à 200 ans on a scindé.
	Les philosophes ont dit : "Ah, on va pouvoir enfin s'occuper
	de philosophie et les scientifiques vont s'occuper de science.".
	Les scientifiques ont toujours continué la science et ont fait des découvertes.
	Depuis 200 ans, qu'est-ce que la philosophie a découvert ?

Lê : La philosophie n'a pas cet onbjectif, elle ne découvre rien.

Raymond : Le but de la philosophie c'est d'éclaircir les idées.
Si personne n'y comprend rien ce n'est plus de la philosophie, 
c'est de la poésie, de l'ésotérisme, des tarots, de la boule de cristal...

(pause)

Lê : On a parlé de contemplation.
	Selon Viviane et Marie, le langage est compensatoire faute de mieux quand cela ne va pas de soi.
	C'est plus intéressant de parler avec quelqu'un de très simple,
	de naturel, comme si l'affrontement d'un débat philosophique
	effraie. Est-ce qu'on peut débattre sans langage ?

	Comment ça se fait qu'il y a cette tendance naturelle à ne pas
	centrer sur le débat ? L'entropie... Je dépense une énergie folle à
	essayer que ça ne parte pas dans tous les sens. 
	C'est comme si l'affrontement est à bannir.
	Philosopher c'est écouter.
	Il n'y a jamais place pour 2 personnes en même temps.

	Est-ce qu'on pourrait attendre une minute entre les interventions ?

Lê : la confrontaton de personnes est le travers des groupes qui
se connaissent trop. On confond les idées et la personne.

Marcel : On est dans un monde où les idées ne passent plus.

Paul : le poète a toujours raison. La vraie parole est intime. 
On ne peut la concevoir qu'entre 2 personnes.

Lê : C'est ça qu'on essaie de mettre en oeuvre dans un café philo.

Nathan : C'est heureux que la parole puisse cacher la pensée et préserver
mon intimité.
Je vais donner un exemple.
Je serais très fâché si mes enfants étaient pédophilés.
Mais il y a des façons d'avoir une relation charnelle merveilleuse
dont l'enfant a besoin et qui sont considérées comme potentiellement incestueuses par
toute une série de gens.
C'est la même chose pour la parole. Heureusement que la parole peut permettre de dissimuler.
Et je dirai qu'entre 2 acteurs, l'acteur qui joue son rôle en
s'identifiant tellement bien au personnage et l'acteur qui est capable de jouer la
comédie au sens le plus noble du terme est beaucoup plus intéressant que le deuxième.

Foty : La méditation fait appel à l'émotion.

Gilbert : Nous faisons de la philosophie avec comme outil le langage,
et cet outil de temps en temps ne fait pas exactement ce qu'on veut.

Gilles : C'est comme ce que je disais la semaine dernière : 
comment quelqu'un peut-il poser la question du moteur de la vie ?
Il y a un paradoxe incroyable là-dedans.
C'est toujours arriver à ce que je pense. C'est un rapport à la quête 
de sens du sujet. C'est, dans son innocence, un question existentielle
fondamentale. Quand je dis la question du qui et du quoi ce n'est pas la carte
d'identité, c'est son rapport à la question. Je suis sûr qu'au moins
on peut avoir une compréhension partagée. La semaine dernière quand j'ai dit
"La chose la plus difficile", et tout le monde a ri à gorge déployée
de manière saine "c'est arrivé à dire une question simple, et au plus elle
sera simple au plus elle sera complexe".
Parler sans penser, être impudique, montrer sa propre angoisse par
rapport à une question qu'on ne comprend pas.
Je n'ai pas la réponse mais je trouve une ouverture à l'art de gérer ces 
antagonismes énormes et avoir une proposition.

Lê : En d'autre mots Gilles ne fait que reformuler "arriver à penser"
au sens fort, sortir du connu, c'est très angoissant.

Bruno : comment échapper à l'ennui dans un café philo ?

Lê : Et celui qui est en train de s'exprimer à tour de rôle, est-ce qu'il est sujet ?

Bruno : Je pense que le thème quelque part est l'ennui.
Qu'est-ce que c'est que la philosophie ?
Pour qu'il y ait débat il doit y avoir une parole singulière.

Lê : tout le monde est d'accord là-dessus. La parole n'a rien à voir 
avec le langage. 

Georges : Pour mettre en valeur le débat philosophique il faut comparer avec
le débat politique. On essaie d'utiliser le langage politique en philosophie
mais ça ne marche pas.
Quelle est l'importance du langage politique ?
Les sophistes sont des politiciens.
Le mot convaincre se définit lui-même : con-vaincre, vaincre les cons,
c'est clair. De quelle manière on peut vaincre les cons ?
On commence à les convaincre en les affectant avec nos opinions.
Quand ils commencent à s'exprimer à leur tour, ils n'utilisent pas 
leurs propres réflexions, ils répètent comme un perroquet les opinions des autres.
Qui a été attaqué ? Le sang n'a pas coulé. La blessure est au niveau de l'affect.
Le voleur est identifié avec ce qu'il a volé. Il ne veut pas reconnaitre 
sa faute. Avec l'opinion c'est pareil.
Il faut que chacun à la maison commence à creuser en utilisant les
concepts philosophiques.
Quand Socrate dit "Je sais que je ne sais pas", il a réussi à résoudre
les problèmes paradoxaux dans notre langage.
Une fois on dit quelque chose et juste après on dit le contraire.
C'est le paradoxe, on commence à être ridicule.
Le fonctionnement de la blague : tout le monde est mis d'accord sur un contraire
mais il y a un autre contraire et qui met en cause ce contraire et tout le monde
commence à rire. Ca veut dire qu'on rit de nos propres paradoxes et de nos propres
conneries.
Quand on dit je sais que je ne sais pas c'est comme répondre oui et non.
Si je dis que je sais on dit qu'est-ce que tu sais ?
Si je dis que je ne sais pas on dit que je suis un ignorant.
Je sais que je ne sais pas.
La parole intime n'est pas de l'amour. Elle est affective, passionnelle 
pour posséder l'autre.
L'amour est neutralité non identifiée avec un langage.
Quelque chose se dégage dont tout le monde se nourrit.

Anne : on ne doit pas parler de ses problèmes personnels.
Le café philo n'est pas un confessional
Je sais bien que les confessionaux sont pour l'instant hors service.
Un langage est philo quand il est capable de s'exprimer en public.
Le chaos, l'entropie a tendence à revenir.

Françoise : le chaos ne me fait pas peur.
	Prigogine : complexité du chaos telle qu'après les choses deviennent simples.

Anne : C'est la cristallisation du vide.

Françoise : Comment le langage perturbe le débat philosophique ?
	La pensée induit le langage et le langage induit la pensée.
	La pensée continue après le langage.

Gilles : Avec le langage.

Daniel : Le langage met la pensée en branle.

Gilles : Où est la poule et l'oeuf ?

Philippe : Quel est le moteur de la vie ? C'est la peur de la culpabilisation.

Nathan : La pensée, la parole et le langage vont de pair
	Chomsky : Le langage est nécessaire au développement d'une forme d'intelligence et réciproquement.
	Il est parfois suffisant de casser les faits pour que la
	cause change.
	Dans certaines techniques de psychothérapie on ne s'intéresse pas au
	mécanisme mais au résultat. On met en branle d'autres façons 
	de percevoir. C'est la thérapie comportementale, dont je ne suis pas
	un défenseur, qui a parfois d'excellents résultats.
	Ce n'est pas la pensée qui précède l'action. L'action fait partie du dire de
	la pensée.
	Pour pouvoir etre brillant et vivre un moment philosophique
	il faut du calme et on préfère qu'il ait lieu à la maison
	avant le café philo. Il est parfois nécessaire au café philo.
	Quelle importance la poule et l'oeuf ? Chacun aide l'autre.
	Les confessionals sont remplacés par les cabinets psi et les cafés philo.
	Ce n'est pas ce que voulaient les créateurs du café philo.
	Il faut être ouvert, accepter la faiblesse des autres.
	Pourquoi quelqu'un n'aurait-il pas le droit de penser tout haut ?
	Je me demande si les discussions après le café philo n'ont pas
	été induites par le café philo lui-même.

Lê : Comment se fait-il qu'il y ait cette tendance passive de ne pas
	centrer sur le thème et de ne pas s'interroger, enquêter en
	commun ? Est-ce que ce n'est pas un besoin d'exhibition ?

Foty : Pour qu'il y ait un véritable débat philo, il faut qu'il y ait
	un langage commun. Quand on fait abstraction de l'émotionnel,
	de qui est l'autre, c'est là qu'on peut véritablement
	rentrer dans un langage philosophique. Pour faire un débat 
	philosophique entre plusieurs personnes il faut que le langage verbal
	soit le plus juste possible. Si on ne fait pas abstraction de ses émotions 
	on ne peut pas avoir un langage véritablement philosophique.
	Philosopher pour moi c'est un exercice de violence et
	d'abstraction intérieure. Prendre le langage verbal dans un lieu
	commun le plus proche possible de ce que les mots veulent dire,
	le langage global comme condition pour philosopher.
Stéphane : Les concepts sont organisés sous forme de cartes mentales
	différentes d'une personne à l'autre.
	L'idée n'a de sens que si je peux la joindre à une autre idée
	qui est dans cette carte mentale. Pour centrer un débat il faut
	d'abord que les cartes mentales soient semblables.

Philippe : Je suis philosophe parce que j'aime la vie.
	Damasio, l'erreur de Descartes
	L'émotion est une condition nécessaire à l'expression des décisions
	et du langage. Dans un café philo l'émotion est nécessaire,
	sinon sous sommes des ordinateurs.

Gilles : Percevoir la parole de l'autre.