Café philo du samedi 31 août 2002 au Voltigeur à Paris
Discussion sur un extrait de "La vérité, le dogmatisme et le scepticisme" de Francis Kaplan, ed. A. Colin, p 5, 27, 116
Sujet proposé par Christian
Extraits de texte : pages 5, 27, 116
- Ce livre est né du scandale que constitue la multiplicité des doctrines ... l'on a perdu le courage d'essayer de la réduire intellectuellement.
- Certes, l'expérience montre plus d'erreurs dans le domaine intellectuel ... une contradiction implicite ou explicite, de bonne ou de mauvaise foi.
- Un faux dilemme est un dilemme qui repose sur un présupposé admis à tort ... Le dilemme entre le dogmatisme et le scepticisme subsiste dans toute sa force.
Dans ce texte, Kaplan parle de Nietzsche qui justifie le mensonge vital : "C'est une des exagérations les plus dangereuses que de vouloir la connaissance, non au service de la vie, mais pour elle-même."
Résumé du débat
- Christian : Il n'y a pas d'argument pour justifier le fait de préférer la vie ou la vérité, la hiérarchie des valeurs, il n'y a que les tripes.
Il brûle le texte.
- Georges : Je m'élève contre le geste de Christian. Il faut expliquer pourquoi on est contre les idées de Nietzsche.
- Jean : Est-ce que le mépris est autorisé ?
- Jacques B. : Pour moi l'attitude de Christian est une forme de respect : démontrer par des arguments que Nietzsche a tort consisterait à considérer son propre point de vue comme supérieur dans l'absolu à celui de Nietzsche. Et le fait de brûler le texte peut être interprété comme une façon de dire qu'on peut se battre pour ses idées, même si elles ne sont pas une vérité absolue. Ca rejoint ma conception de l'éthique.
- Georges : Les seuls qui ont brûlé des livres c'était l'inquisition et les nazis.
- Gerard : Pour Aristote, le vrai est ce qui est adéquat au réel. Pour Spinoza, le vrai porte en lui sa marque. Christian dit que la vérité est une valeur.
- F. : En paraphrasant Witgenstein je dirai que ce qui ne peut se dire il faut le brûler. Brûler des livres est extrêmement grave, une censure de la liberté d'expression, mettre le feu au vrai comme au faux. Pas plus les connaissances vraies ne sont que ne sont pas.
- Oser : Il y a une opposition entre rationalisme et subjectivisme.
Pour le subjectivisme, l'individu est une monade enfermée.
Pour le rationalisme, l'individu exécute les lois de l'univers.
(...)
- Martine : Il faut croire en des valeurs.
- Christophe : Les vérités s'expriment dans un référentiel, un cheminement logique par rapport à un point de départ (...)
- Pascal : Bravo Christian, j'ai apprécié le texte parce qu'il ne se cantonne pas à quelque chose de limité, il nous présente un panorama. Il faut distinguer la vérité et le vrai. La vérité c'est ce qui est. Le vrai est ce que signifie, ce que dit la vérité.
On dit "détenir la vérité" mais savoir ne veut pas dire détenir.
C'est bizarre de parler de perception vraie, ça laisse entendre qu'il y aurait des perceptions fausses, ça ne peut pas exister.
En quoi la peur est-elle un instinct ?
On dit que les valeurs servent à faire le bien, en fait c'est pour justifier le fait qu'on fait le mal. Pour faire le bien on n'a pas besoin de valeurs.
- Michel : Qu'est-ce qui est vrai dans l'absolu ?
- Pascal : C'est indéfinissable, pour le définir il faudrait un référentiel.
- Christiane : On touche ici à la misère humaine.
- Christian : Jean-Pierre Gasso a brûlé 50 francs.
J'ai expliqué pourquoi je brûlais le texte. Il est meilleur pour moi d'exprimer une répulsion devant Nietzsche. Il n'y a pas d'argument contre la position nietzschéenne, il n'y a que les tripes.
- Christiane : Il faudrait expliquer ta position.
- Christian : Je ne peux pas l'expliquer parce que je n'ai pas d'argument. Pour Nietzsche, la question fondamentale est la hiérarchie des valeurs. Il a raison, on ne peut argumenter, car on ne pourrait argumenter que par rapport à d'autres valeurs.
- Jean : Le mot "laboratoire" est formé de "labor", le travail, et "oratoire", la prière et la réflexion. Il y a un danger à se réfugier trop dans le travail et l'action, ou trop dans la réflexion.
- Georges : J'entends que la philosophie est la recherche de la vérité. A la conférence de Johannesbourg il y a deux vérités, celle de Bush et celle des organisations qui veulent sauver la Terre. Ca s'applique à tous les problèmes, les palestiniens et les israëliens. La vérité cache l'intérêt.
(...)
- Jacques B. : Pourquoi recherche-t-on la vérité ? C'est souvent parce qu'elle permet d'améliorer notre situation : si on connait les mécanismes qui régissent la réalité dans laquelle on vit, on saura que telle action entraînera telle conséquence, et donc on sauura quelle action entreprendre pour améliorer notre situation. Mais si la vérité elle-même est source de problème, est-elle utile ? Ca peut justifier la position de Kant.
Ce que disait Pascal, qu'il faudrait ne pas avoir de valeurs, ne s'agit-il pas plutôt d'avoir des valeurs qu'on considère comme un absolu et qu'on ne met pas sur un pied d'égalité avec les valeurs des autres ?
Le problème avec le geste de Christian est qu'il peut être interprété de plusieurs façons.
Actuellement même si on ne brûle plus physiquement les livres on interdit des livres révisionnistes ou racistes. Je peux le comprendre car ces livres peuvent avoir un effet néfaste sur la société. Mais ça pose un problème : si on combat ces idées par des arguments législatifs, est-ce qu'on n'a pas d'arguments discursifs assez forts pour les combattre ?
- Pascal : On me parle de chercher la vérité, chercher l'acceptable. On tombe dans un piège épouvantable.
A propos de la conférence de Johannesbourg,
il y a une confusion entre diversité et confusion.
On dit c'est la richesse de la différence. Je ne vois pas de richesse dans la différence. Je vois de la confusion.
(...)
Je conteste qu'on puisse faire le choix entre le bien et le mal, on n'a pas le choix. Si on voit qu'une action est mauvaise, on ne la fait pas, si on la fait c'est au nom de valeurs. Pour faire la guerre, il faut des armes et des valeurs.
(...)
- Christian : C'est une attitude anti-philosophique d'accepter l'illusion.
(...)
- Jean : "Je pense donc je broute". L'homme vit-il plus malheureux parce qu'il s'est mis à réfléchir ?
Qu'est-ce qui dit que les bovidés n'ont pas tout compris ?
Qui augmente sa science augmente sa douleur.
Comment s'en sortir ?
(...)
- Christian : La plupart admettent la position de Nietzsche. Je refuse totalement. Je suis écoeuré par la capacité de négation du réel que la plupart adoptent : la mauvaise foi communiste, chez les universitaires le matérialisme dominant, le refus des phénomènes parapsychologiques, le spiritualiste se justifie par rapport à la foi. Si la foi justifie tout, elle ne justifie plus rien. Ce qui est nié, c'est que la foi sert à justifier n'importe quoi.
(...)