Café philo du vendredi 1er juin 2001 au Relais Jussieu à Paris
Thème : Le déroulement de notre vie est-il soumis au hasard ?
Résumé du débat
(...)
A partir d'un certain age on comprend qu'il y a autre chose que du hasard.
Le hasard est question de méconnaissance, d'ignorance.
Le déterminisme n'exclut pas le hasard.
La question est plutot : est-ce que nous avons la possiblilté d'infléchir les choses
ou est-ce que nous serons toujours le jouet du hasard ?
Animateur : L'ignorance et le nombre de facteurs empechent la prévision.
Certaines professions vivent du hasard : loteries, assurances...
Le hasard n'est pas l'aboutissement de coincidences, suites de causes et d'effets.
Raymond a dit que le hasard est du domainde de l'ignorance.
Ce n'est pas le hasard mais le fait de croire qu'il y a du hasard quand on est ignorant sur
la cause.
C'est comme quand on dit "La nature a bien fait les choses" : qui a eu la volonté ?
La loi du hasard, c'est contradictoire.
La loi c'est l'ordre, la règle, la structure.
On ne peut pas tout choisir, mais j'ai une part de choix.
Sartre a dit que l'homme n'est pas ce qu'on a fait de lui, il est ce qu'il
fait de ce qu'on a fait de lui.
Raymond : Ce que nous appelons de façon erronée lois du hasard c'est en fait
les lois de probabilités.
La rigueur des mathématiques est sujette à discussion : la racine carrée de 2
a une précision différente suivant le nombre de chiffres pris en compte.
Tant qu'on ne connait pas l'origine de la conscience, tant qu'on n'a pas
un aspect déterministe de la conscience, la volonté est transmise ou exprimée par notre conscience.
(...)
Raymond : La conscience est l'élément inconnu.
Didier : Ce n'est pas la conscience mais la capacité à faire tel choix.
Animateur : Si on est soumis il n'y a pas de liberté.
Jacques : A vous entendre j'ai l'impression que la plupart d'entre vous
considèrent que le hasard est la méconnaissance de la causalité.
En physique, ce n'est qu'une des interprétations, celle des variables cachées.
Il y en a d'autres : l'interprétation de Copenhague où, pour paraphraser
Einstein, Dieu jouerait aux dés avec le monde, et celle des mondes multiples d'Everett, où quand
une particule peut etre dans plusieurs états possibles, il y a en fait
plusieurs copies de l'univers, une où la particule est dans tel état, une autre où elle est dans tel autre état,
mais nous ne sommes conscient que d'uner seule car notre conscience est affectée par cette ramification.
Les interprétations globalement déterministes, variables cachées et mondes multiples,
soulèvent un problème éthique, car la notion de choix n'y a plus de sens
et l'éthique risque alors de s'effondrer.
Raymond a parlé de la conscience dans un sens que j'appellerais plutot libre arbitre.
Dans le cadre d'une vision dualiste, il y a l'esprit et la matière qui interagissent, et
la conscience et le libre arbitre sont les deux sens de cette interaction.
On pourrait penser que l'esprit résulte de l'activité du cerveau, qui est fait
de matière, ce qui contredirait la thèse dualiste.
J'ai plutot l'impression qu'il n'y a pas deux domaines bien séparés mais une
continuité, une imbrication infinie de niveaux d'organisation matérielle
qui produirait l'esprit : le cerveau est fait de neurones, les neurones de molécules,
qui sont faites d'atomes, eux-memes constitués de particules, et ça pourrait continuer
ainsoi à l'infini. Une théorie physique s'arrete nécessairement à un certain niveau de description,
donc à un niveau de réalité plus profond elle n'est plus valable. Nous ne sommes
alors plus enfermés dans un déterminisme strict, ce qui laisse une place à l'esprit.
L'animateur : L'esprit a besoin d'explication. La recherche procède par réductionnisme,
c'est-à-dire simplification, ou bien crée des hypothèses. (...)
En physique il y a une dualité particules / ondes. Peut-etre que la réalité
est tout à fait autre chose. (...)
Pierre : On ne peut rien au fait qu'on est né dans un pays.
Pour moi le hasard n'existe pas. Rien n'est du au hasard, tout a une cause.
Le monde est ordonné, il n'est pas le résultat d'un accident.
Est-ce par hasard que nous avons l'intelligence ?
Michèle : On n'apprécie pas la responsabilité de chacun, on l'oublie.
Raymond : Je vais etre très provocateur.
Si l'on estime que des éléments extérieurs commandent à notre volonté,
alors on considère que cette volonté extérieure (par exemple Dieu) nous est extérieure.
Qu'y a-t-il à l'extérieur de Dieu ?
Je préfère suivre Spinoza : l'extérieur, Dieu et la nature sont un.
Notre conscience est une partie de la conscience de tout l'univers.
L'animateur : C'est aussi ce que pensent les bouddhistes.
Elisabeth : Cette irresponsabilité, ça me gène qu'on puisse etre complètement déterminé par Dieu.
L'animateur : Les gens qui défendaient l'existence de Dieu
ont dit que notre responsabilité est un cadeau de Dieu.
(...)
Il y a unbe explication : Dieu a créé un creux en lui-meme dans lequel il nous a créé.
On est toujours dans les notions de dedans / dehors, d'avant / après.
Ce sont des notions qui pour Dieu n'ont aucun sens.
Nous sommes un élément constitutif de quelque chose qu'on ne peut cerner.
(...)
Pierrez : Une hypothèse nouvelle : pourquoi ne serions-nous pas à l'intérieur de la pensée de Dieu ?
L'émotion est mesurable par ses effets.
Raymond : On a démontré une conjecture mathématique, le théorème des quatre
couleurs, grace à un algorithme d'ordinateur. La démonstration est incompréhensible à l'esprit d'un homme.
(...)
On ne peut admettre quelque chose d'incompréhensible.
Animateur : A notre grande surprise, nous n'avons pas résolu le problème.
Pierre : Le sujet n'est pas celui que j'avais espéré.
C'était sur la condition humaine ici-bas.
L'animateur : Il n'est pas nécessaire que le débat soit logique,
il faut qu'il soit philosophique. La logique est du domaine de l'ordinateur, non de l'humain.
(...)
On dit que les choses arrivent par hasard parce qu'on n'en connait pas les causes.
A chaque réponse on a de nouvelles questions.