Café philo du dimanche 11 janvier 2004 au Bastille à Paris
Sujet proposé par Dimitri :
L'évolution de l'humanité est-elle motivée par la vérité ?
Animé par Bruno Magret
Extraits du débat
- Bruno : La cause de toutes causes est au delà de toute rationalité, elle est éternelle. C'est l'être, qu'il faut distinguer de l'étant.
- Jacques B. : Cette cause ne pourrait-elle pas être le néant ? L'étant n'est pas complètement chaotique, on y constate des régularités, on peut l'approcher par des lois mathématiques. Les mathématiques sont la théorie du néant. Elle ne reposent sur aucun réel, même si certaines théories ont plus d'applications que d'autres.
- Bruno : Je ne comprends pas.
- Jacques B. : L'univers ne serait-il pas la perception par l'esprit de théories mathématiques ?
- Bruno : Ca rejoint les idées de Platon.
- Jacques B. : Si les mathématiques sont une émanation du néant, ça résout le problème du fondement ontologique.
- Bruno : On considère que les mathématiques sont l'émanation du un, et non pas du zéro.
- Jacques B. : Le un pourrait être une émanation du néant. Les mathématiciens définissent tous les nombres à partir de l'ensemble vide : le zéro est identifié à l'ensemble vide, un ensemble à zéro élément. Le un est un ensemble qui ne contient que le zéro. Le 2 est l'ensemble qui contient 0 et 1, etc... Le fait que les mathématiques soient une émanation du néant suppose que les êtres mathématiques existent par eux même et ne soient pas une création humaine. Il faut un fondement ontologique, mathématique ou matériel.
- Bruno : Y a-t-il une intelligence qui nous dépasse et qui dirige notre évolution ?
- Marc : Il faut de la souplesse d'esprit pour sortir de nos certitudes.
- Bruno : Le logos, les idées qui donnent naissance au monde.
- Jacques D. : L'évolution de l'humanité est motivée par le besoin de perdurer. La vérité est un luxe.
- Bruno : Est-ce que l'homme est motivé par une vérité qui transcende l'humanité ?
- Gérard : L'intelligence de l'homme est fortuite. C'est parce qu'il s'est redressé qu'il a pu utiliser ses mains et son pharynx.
- Bruno : Qu'est-ce qui permet de dire que c'est fortuit ? Il pourrait y avoir une intention dans l'univers. La modestie devrait faire dire qu'on n'en sait rien.
- Henri : Voltaire a dit : l'homme est de glace pour la vérité et de feu pour le mensonge.
- Bruno : L'homme doit s'effacer, s'oublier pour atteindre la vérité. La réalité ultime de l'univers est dans l'homme.
- Jacques D. : L'anti-philosophie est une philosophie.
- Bruno : La théologie négative consiste à dire tout ce que Dieu n'est pas.
- Henri : La parole sert parfois à masquer l'émotion.
- Bruno : Le travail sur soi est impersonnel. Le développement personnel est dans un but égoïste.
(...)
Est-ce que c'est simplement l'angoisse qui pousse l'homme à chercher ? Ou est-ce que c'est une dimension bien plus forte ?
- Le besoin de certitude.
- Olivier : Je me demande si ce n'est pas la peur de se poser des questions importantes, autrement dit si l'humanité s'occupait beaucoup plus de métaphysique... la métaphysique permet de comprendre les choses des choses, les mécanismes aussi bien en astronomie, en botanique etc... ce qui fait qu'une chose est, ce qui permet à ces mécanismes de fonctionner.
- Bruno : C'est-à-dire qu'on cherche la relation de cause à effet. Pourquoi y a-t-il une relation de cause à effet ?
Là ça serait ontologique.
- Olivier : La prolifération des technique ne serait-elle pas une fuite devant les réalités ?
- Bruno : Ou est-ce que c'est un essouflement de la pensée ?
- Jacques D. : Notre façon de penser est le résultat de notre histoire. l'universalité est un leurre.
- Kaïna : L'humanité d'aujourd'hui est-elle plus proche de la vérité que l'humanité d'autrefois ?
- Pascal : "Small is beautiful" : chaque être humain est l'humanité. On est toujours dans le chaos. C'est pour ça qu'on fait du développement personnel, pour se tirer d'affaire dans le monde chaotique dans lequel nous vivons. On joue des coudes.
Nous sommes tellement préoccupés par la contingence que les questions fondamentales ne peuvent pas se poser.
- Bruno : Et les anachorètes ? Des gens comme ça qui sont partis à la quête de vérités transcendantes, comment se fait-il qu'ils ont pu résonner dans le coeur des autres hommes ? Jésus de Nazareth, Bouddha Siddharta... Il y a une motivation dans l'homme qui le pousse à chercher quelque chose de plus que ce qu'il perçoit.
- Emma : La vie est trop courte pour en avoir une petite.
- Bruno : Emma a posé l'ultime question du débat : tous ces gens qui sont partis dans une quête de vérité, la soif de connaissance, la réalité ultime, prêts à remettre en question leur vie, est-ce qu'en réalité c'est vraiment une quête de générosité, d'altruisme, ou une stratégie pour survivre ? Est-ce une vanité ultime, le narcissisme ultime, ou quelque chose de véritablement sincère ?
- Jacques V. : On veut couper au couteau vérité, mensonge... Il y a coexistence de tout ça depuis le début de l'humanité. Il y a une soif et une rationalité, une motivation, pas un mobile.
- Bruno : Chez Freud la motivation est irrationnelle.
- Jacques V. : En tout homme il y a un peu de vérité universelle. On ne peut pas vivre sans ça, dans le mensonge intégral. La vérité et la liberté sont lourds à supporter, c'est pour ça qu'on cherche des subterfuges, on triche. On a besoin de tricher pour avoir une recherche de vérité. On a besoin de dialoguer. On pose une vérité. On n'y arrive jamais de façon linéaire. On passe par la vérité contraire. Et après on fait une synthèse, et cette synthèse n'est jamais la totalité.
- Bruno : Il ne s'agit pas de chercher la vérité qui serait le contraire de l'erreur, car on serait toujours dans la dualité. Il s'agit de dépasser la dualité, c'est-à-dire chercher une vérité qui est au delà de la dualité. Dans le mensonge il y a une part de vérité, et dans la vérité il y a une part de mensonge. Tout ce qui peut se nommer n'est pas le tao.
- Alain. Le tao est innomable, le réel est insaisissable. Pour la psychologie ce qui fait courir l'homme c'est le manque.
- Bruno : On dit parfois que la religion rassure, mais Le matérialisme rassure ceux qui ont fait du mal. (...) L'ataraxie, tout glisse, la tranquilité au fond de l'océan. Avec quoi l'expérimenter? Le corps?
- Henri : Le coeur.
- Bruno : Qu'est-ce que le coeur ?
- François : On se sert du corps mais plus de la même manière.
- Marina : La vérité que cherche le philosophe est dans l'instant, l'atemporalité. Le yoga permet d'atteindre différents niveaux de conscience. Cet instant devient éternel. On a l'impression que tout est relié.
- Bruno : Le tantra permet de rentrer dans ses sens, dans l'instant présent. Il y a différents mondes.
On retrouve ça dans les monades de Leibniz.
Si je vais encore plus loin je peux atteindre la réalité ultime, l'unité de tout cela, le passé, l'avenir et le présent, l'atemporel.