Café philo du mercredi 29 août 2001 au Malevitch à Paris
Sujet proposé par Roland : Est-il lâche de refuser de s'engager ?
Animé par Marie-Noëlle
Présentation de Roland
Nous avons fait une série de débats en relation avec la notion de séparation par rapport à un point d'appui.Il faut détecter le poind d'appui auquel on est attaché, arrêter de tourner en rond, se séparer du point d'appui. Lors du dernier débat [Il est difficile de naviguer si l'on garde l'ancre] on n'est pas allé jusqu'au bout, l'arrivée, on est resté à l'idée de partir. On a discuté de la possibilité de voyager sans partir, dans son esprit. C'est péter les plombs.
Sartre s'était engagé.
On est dans une phase d'individualisme.
Il y a des caractères solitaires et d'autres ouverts à l'extérieur qui s'entendent avec tout le monde.
Tour de table
- Michel : Ca dépend du contexte.On ne peut pas s'engager pour tout à tout moment.
- Christophe : Où est la limite de la responsabilité ?
Lutter contre des moulins à vent ne sert pas à grand chose.
Si ça ne concerne que soi, on peut s'interroger sur la nécessité de s'engager.
- Claude : Quelqu'un veut changer de vie, sortir du conditionnement de l'enfance, ne peut pas tout laisser, est tributaire de conditionnement, peut être marié, avoir des enfants, une famille. Est-ce que c'est lâche de refuser de s'engager à proclamer sa différence ?
- Claudine : Il y a plusieurs niveaux, vis à vis de soi et de l'extérieur. Ca peut être une fuite, un engagement humanitaire et une démission par rapport à la famille.
- Jacques B. : Je vois 3 sens au mot engagement, un sens premier et deux sens dérivés. Le sens premier est l'engagement militaire. Il en découle d'une part le fait de se battre pour une cause, et d'autre part le fait d'accepter de restreindre sa liberté.
Roland a proposé ce sujet la semaine dernière parce que personne ne voulait s'engager à venir cette semaine pour présenter son sujet.
Il y a eu un détournement de sujet : dans ce contexte il s'agissait d'engagement dans le sens de restriction de sa liberté et on dévie vers le sens de combat pour un idéal.
Je ne pense pas qu'il soit toujours lâche de refuser de s'engager, et je ne pense pas que la lâcheté soit toujours mauvaise. J'avais pensé proposer le sujet "Eloge de la lâcheté" mais je ne voulais pas m'engager à venir la semaine prochaine, alors je ne l'ai pas présenté.
- René-Louis : Ca dépend si on est en position de force ou de faiblesse.
- Marie-Noëlle : Il y a un manque d'engagement affectif.
On doit être adapté à la diversité, mobile, polyvalent, libre, ne pas s'engager vis à vis d'une personne, un patron, une société.
Résumé du débat
- Roland : Quelqu'un qui lâche, c'est quelqu'un qui pète. Où ? Dans les engagements ou à l'intérieur d'une personne ?
On décide de ne pas s'engager par anticipation pour ne pas faillir à des obligations. Est-ce qu'on peut trouver quelqu'un qui lâche
sachant que pour préserver sa liberté qui est une pétouillade il refuse de s'engager ?
On ne pouvait pas échapper au service militaire. Dans quel camp je m'y mets ? J'ai décidé d'y aller à fond, d'être para en Algérie.
- Christophe : Si je dis que je ne veux pas asservir un autre que je serai plus tard, quelles sont les possibilités d'action,
la continuité de ce qu'on a jugé être bon à un instant donné ?
On n'a pas de continuité au niveau du jugement.
- Jacques B. : Ce n'est pas le problème. Si je ne veux pas m'engager à venir au prochain café philo, ce n'est pas parce que je pourrais subitement décider de ne plus m'intéresser à la philosophie, c'est parce que le choix d'une activité dépend de nombreux paramètres que je ne connaitrai complètement que le moment venu : les différentes activités possibles à ce moment, le fait que je sois plus ou moins en forme, le temps qu'il fera, le fait que j'aurai trouvé un nouveau travail ou non, que je serai toujours à Paris ou non...
- Marie-Noëlle : Une amie a une névrose d'échec, elle a la phobie de l'action.
- Roland : Il y a une différence entre le passage à l'acte, qui n'est pas un engagement, et le passage à l'action, engagement contrôlé de l'intérieur.
Quand j'étais parachutiste, j'ai désobéi.
- Claudine : Il y a une différence entre être engagé et s'engager.
- Claude : Est-ce que c'est lâche de refuser de s'engager à proclamer sa différence ?
- Roland : S'engager peut être secret, c'est différent de proclamer.
- René-Louis : Proclamer un engagement c'est risquer de prêcher dans le désert.
- Marie-Noëlle : S'engager c'est donner sa vie à quelqu'un, à quelque chose. Tant qu'on vit à l'essai, est-ce qu'on vit vraiment ?
- Christophe : Le courage c'est sublimer ses peurs.
- Claudine : Est-ce que ce n'est pas lâche de rester dans un engagement, par exemple au parti communiste, alors qu'on en connait les méfaits ?
(...)
- Farid : Tout dépend de l'engagement et du risque.
On ne peut pas s'engager dans des milliers de causes importantes.
Je viens d'un café philo sur la résiliance où j'ai dit que nous vivons dans une vallée de larmes.
- Jacques B. : Je ne suis pas d'accord avec Marie-Noëlle : si on donne sa vie on ne la possède plus, cest un peu comme si on la perdait. On peut éventuellement la prêter en gardant la possibilité de la reprendre.
Concernant ce que disait Christophe sur la peur, l'idéal n'est pas de la dépasser, c'est de n'avoir peur que de ce qui est réellement dangereux. Le courage devient alors témérité et la lâcheté devient sagesse. C'est pour ça que j'ai parlé d'éloge de la lâcheté.
Claudine disait que les communistes sont lâches de rester dans cet engagement, mais je pense qu'il y a encore certaines personnes qui restent convaincues que le bilan du communisme est globalement positif, et que les communistes ont fait le mieux qu'ils ont pu compte tenu de la situation difficile dans laquelle ils se trouvaient, et je pense que ce n'est pas de la lâcheté mais du courage de défendre leurs idées en étant si peu nombreux contre la pensée unique.
Tour de table de conclusion
- Farid : L'histoire n'est pas terminée, la lutte pour la justice finira par triompher.
- Enza : Il ne faut pas signer de contrat puisqu'on peut le rompre à tout moment.
- Roland : Un engagement ne se rompt pas unilatéralement.
Je ne considère les gens comme possible que s'ils s'engagent, les autres sont complètement étrangers.
- Farid : Connaissez-vous la définition d'un républicain américain ? C'est quelqu'un qui adore la liberté, qui déteste l'égalité et qui se méfie de la fraternité. Pour moi le triptyque doit être observé entièrement.
Choix du sujet de la semaine prochaine
- 4 Christophe : Est-il normal de payer pour survivre ?
- 3 Roland : Est-il normal de survivre pour payer ?
- 2 René-Louis : De l'autorité à la négociation
- 1 Christophe : Où se limite sa responsabilité ?
- 4 René-Louis : Isolement ou solitude ?
- 5 sujet choisi : Il ne suffit pas d'être, il faut devenir.