Café philo du mercredi 16 janvier 2002 à l'Arob@s à Nice
Sujet : Le doute
Animé par Eve Depardieu

Résumé du débat

(...)

• On est obligé d'agir dans le doute. Certains préfèrent la croyance.

• François : On peut vivre sans douter. La marchandise pense pour moi, je n'ai pas à douter d'elle.

• Eve : Beaucoup sont bloqués par leur hésitation.

• Ca peut être positif de réfléchir, de se demander si on a bien fait.

• François : Il faut assimiler les conneries qu'on fait.

• Il y a 2 formes de doute : par rapport à quelque chose de vérifiable, et par rapport au non vérifiable, la croyance, les vérités spirituelles, métaphysiques. On peut ne pas douter de ses propres croyances.

• Quand le chercheur pose le problème, il sait qu'il va trouver.

• Eve : C'est en élargissant le champ qu'on fait Eurêka. C'est par la jonction qu'apparait quelque chose.

• Je suis étudiant en sociologie. Il y a une méthode, je sais ce que je cherche. On lit, on fait ses choix, c'est là qu'on doute. Bourdieu ne doute pas.

• Ca peut être sa croyance.

• Bertrand : Ce qui m'empoisonne la vie c'est les gens qui ne doutent jamais de rien. Le doute c'est la vérification en permanence. Ce qui fait la grandeeur de l'homme c'est le doute permanent.

• Jacques : Par rapport aux vérités qui ne sont pas vérifiables, est-ce que la question a un sens ? On peut croire ce qui nous arrange.

• Si on ne croit pas tous la même chose ça fait des guerres.

• Le problème c'est qu'on croit qu'il faut qu'on croie tous la même chose pour s'entendre.

• Ca s'appelle la tolérance.

• Le problème est que le refus des autres croyances fait partie des croyancers.

• Jacques : Oui.

• François : Le relativisme, il n'y a plus de vérités, c'est grave.

• Quand on a du pouvoir on doute beaucoup. Les guerres c'est pour éviter aux gens de douter.

• Elisabeth : Le seul endroit où je ne doute pas c'est quand je suis dans l'action. Il y a un rapport au temps. Dès que j'ai le temps de réfléchir, le doute arrive. Quand on a des certitudes, on est au maximum dans le doute. L'apparence de ne pas être dans le doute est une manière de camoufler ses doutes.

• Ce n'est pas une faiblesse de douter, ce qui est une faiblesse c'est de ne pas vérifier.

• François : C'est le doute qui amène les guerres.

• Les chefs ne peuvent se permettre de montrer leurs doutes.

• Odile : J'apprécie ce que Bertrand a dit. On est obligé d'agir sans certitude. On agit beaucoup mieux quand on est constamemnt dans l'attitude responsable qu'explique Bertrand.

• Le cambrioleur, est-ce qu'il doute quand il arrive à côté des bijoux dans la salle où il croyait qu'il n'y avait personne ? Il ne doute pas. Les dictateurs ne doutent pas.

• François : On est dans une société bourgeoise qui nous conditionne. Le bourgeois ne doute jamais. On peut vivre sans doute.

• Eve : Il y a des petits bourgeois, des moyens bourgeois, des grands bourgeois. Qu'est-ce qu'un bourgeois aujourd'hui ? Qui n'est pas bourgeois aujourd'hui ,

• Je suis pétri de doute du matin au soir. Le doute est inhérent à la vie. Je n'ai pas de problèmes avec la prise de décision.

• Bertrand : On est entourés de chefs. La décision est prise seule. "Je n'ai pas tort parce que j'ai été nommé chef." C'est l'absence de démocratie.

• La seule société qui ne doute pas est la société des fourmis.

• Bertrand : De Gaulle doutait de tout. Il était pour l'Algérie française. Son entourage lui disait de lâcher l'Algérie. Les évènements actuels lui ont donné raison.

• Il y a un stéréotype de tout ce que vous avez dit dans les Caractères de La Bruyère dans "Le Décisionnaire".

• "Plus on a de pouvoir, moins on doute", ça n'a rien à voir.

• Eve : On ne montre pas qu'on doute.

• C'est un jugement de valeur, les gens peuvent faire des erreurs.

• Ils ne consultent personne.

• Je pense à ceux qui veulent partir dans l'espace. C'est un moteur. A côté de ça il y a des problèmes.

• Odile : Il y a 2 façons de douter. Si on doute de tout on est bouffé par la peur. Si on désire bien agir c'est positif.

• Paul : La capacité de douter c'est le pardon. Quelqu'un peut se tromper.

• Le seul moyen d'empêcher le doute c'est l'endoctrinement.

• Jacques : Si les religions monothéistes ont triomphé sur les religions polythéistes qui existaient avant, c'est peut-être parce que les rois du Moyen-Age ont compris que c'était un meilleur instrument de pouvoir : un Dieu unique, une vérité unique. Autrefois quand il y avait une guerre, une partie des dieux soutenaient un camp et une autre partie l'autre camp. Maintenant ça n'est plus possible. Les religions enseignent qu'on ne doit pas faire de mal à autrui. Le seul moyen de justifier la guerre, c'est de nous faire croire que l'ennemi représente le mal absolu.

• Kiko : Sur certaines valeurs, j'ai des certitudes. Le pardon, c'est une aberration. Chez les arabes on dit que demander pardon c'est pire que la faute. On va jusqu'à indemniser ceux qui ont subi du tort.

• Elisabeth : L'absence de doute est dans l'action. J'ai appris à vivre dans l'instant. Cette mouvance me donne l'absence de doute. En peinture quand on fait un pâté, une rature, on fait avec la rature, je transforme l'erreur. C'est ce que disent les taoistes, soyez dans l'instant.

• Les taoistes ont aussi des doutes. Tout le monde peut douter.

• Il y a des artistes qui doutent en permanence, c'est le trac. La vie de couple c'est le doute permanent.

• Est-ce que le doute n'est pas quelque chose qui donne un sens à la vie ?

• Eve : La philosophie a commencé avec le doute. Le doute est un outil à utiliser avec précaution. Ils s'en sont servi à fond, ça a donné les sceptiques. Comme si ils avaient découvert la panacée, on pouvait tout affirmer et tout nier. Les cyniques et les nihilistes, on ne croit plus en rien. A partir de quoi je juge si je n'ai plus rien à quoi accrocher mon jugement ? Descartes a remis en système le doute pour en faire une méthode : "Vous ne pouvez pas douter du fait que vous êtes en train de penser que vous doutez." Le doute absolu n'existe pas.

  Les prochains cafés philo auront lieu ici les premiers et troisièmes mercredis du mois, et demain à Génération Solidarité à 18 h 30 sur le thème "La victime et la responsabilité".