Café philo du mercredi 26 mai 2004 au St René à Paris
Sujet : Le destin exclut-il la liberté ?
Présentation
Le destin est souvent une bouée de secours : quand je réussis c'est par moi, quand j'échoue c'est le destin. Il a un rôle déresponsabilisateur. Le débat est faussé. La malchance, le hasard sont distincts du destin. Le destin c'est "si mon numéro tombe il était écrit qu'il devait tomber". Est-ce que l'homme se construit un destin ou le destin construit l'homme ? Le destin désigne l'être soumis à ce destin. Cesar a franchi le Rubicon de façon qu'il n'était pas possible qu'il en soit autrement. Un des plus grands défenseurs du destin était Marc Aurèle (Pensées pour moi-même). Picasso disait "Je ne cherche pas, je trouve". Selon Sartre, l'homme est ce qu'il se fait.
Extraits du débat
- Gérard : Selon la philosophie orientale du karma, nous avons la liberté mais nous devons payer pour l'usage que nous en faisons.
- Evelyne : Je ne crois pas au destin. C'est une façon de programmer le peuple à la croyance. On veut se laisser dominer, on accepte la situation. C'est comme l'inconscient collectif. "La peur était votre unique loi".
- On est dans une société où on n'accepte pas les différences. Se réaliser devient difficile. Préférez-vous avoir beaucoup d'amis ou beaucoup d'argent ? L'argent achète les faux amis.
- Sabine : C'est peut-être l'explication du monde.
- Nicolas : Sartre disait : "Je ne suis pas beau, je me fais beau. Le déterminisme posé au nom de la liberté. Ce sont des discours à postériori.
- Nicolas : Dans un monde sans Dieu, l'homme doit se choisir un maître. Pourquoi de 2 personnes soumises aux mêmes déterminations une va réussir, l'autre va s'effondrer ? Le destin arrive là où on n'admet pas le hasard.
- Les gens ne changent pas. On croit percevoir quelque chose d'un rêve, d'un lapsus. Le désir de l'autre nous fait grandir.
- Il faut distinguer le destin du déterminisme. Dans le destin la relation de cause à effet est une nécessité, et la cause elle-même n'est pas nécessaire. Le déterminisme est le principe de toute science, la relation de cause à effet est nécessaire mais la cause est libre.
- Sabine : Nous n'avons peut-être qu'un sentiment de liberté.
- Evelyne : Si tu conscientises tout, quand tu te retrouves face à ta liberté, tu sors de ce destin collectif ou personnel, tu te retruves très seul, coupé des autres.
- Nicolas : C'est dans la liberté que je suis le plus seul.
- Selon le déterminisme, le Big Bang serait-il une explosion de liberté ? C'est une conception différente de la conception habituelle selon laquelle la liberté s'exerce tout au long de la vie. Quelle place y a-t-il pour la liberté par rapport aux lois physiques ? La physique quantique est non déterministe mais selon l'interprétation des mondes multiples on retombe dans le déterminisme au niveau de l'ensemble des mondes. Les théories physiques pourraient n'être que des approximations, mais selon des théories comme la Theory of Everything de Tegmark ou le déployeur universel de Bruno Marchal, il pourrait y avoir un univers pour chaque ensemble de lois physiques possible. On retombe encore dans un déterminisme par rapport à l'ensemble des univers. Ce sont des spéculations métaphysiques, on ne peut pas avoir de certitudes, mais l'erreur est plus grave dans un sens que dans l'autre. On peut donc être amené à faire une sorte de pari pascalien de la liberté.
- Y a-t-il antériorité des déterminants par rapport aux actions ? Il y a antériorité de la liberté qui rend possible d'atteindre l'objet d'étude. On cherche à s'approprier la part d'ombre et de lumière. Il faut admettre sa part de folie.
- Nicolas : Plus il y a de déterminations, plus il y a de liberté, parce que s'il y a une loi je peux l'enfreindre. Face à une liberté toute puissante il ne reste rien.
- Jean-Luc : La liberté ne peut exister que dans le déterminisme, agir conformément à sa nature. Pindare, repris par Nietzsche, a dit "Deviens ce que tu es".
- Le sadisme revendique une liberté absolue, ne pas vouloir le bien de l'autre mais mon bien. La liberté laisse ressortir cette face cachée.
- La liberté exprime sa nature contradictoire par rapport au mal. Au service du mal la liberté peut être catastrophique.
- Evelyne : Ca m'agace la notion de bien et de mal, c'est très subjectif. La logique dominant dominé, on es tconsentant. La philosophie du guerrier. Cette notion de liberté est une vue de l'esprit.
- Le problème de la liberté c'est le rapport à l'autre.
- L'homme a la conscience de soi, l'animal n'a que le sentiment de soi.
- La liberté de l'homme est sujette à dualité, tendance à manichéiser le monde. Dans le mythe de la caverne, la lumière c'est la liberté.
- Le destin c'est la soumission à des forces extérieures. Sartre a dit qu'on n'est jamais aussi libre que dans l'occupation.
- Alain a dit : "Ne marchez pas sur les sentiers battus". Ce que les autres pensent on s'en fout.
- Le destin est la volonté de Dieu. Il y a aussi la génétique. Les lignes de la main.
- Qu'en est-il pour l'Islam ?
- Le fatum : tout est déja écrit. Ce n'est pas la providence qui laisse une marge à la liberté. La liberté n'a pas d'équivalent dans le Coran.
- Le livre de l'arbre et des 4 oiseaux d'El Alaj : On me dit Dieu existe. Je ne le vois pas. Il comprend ce qui lui donne l'ordre, le syntagme du monde. Il dit "je - Dieu", il commet le plus grand pêché, celui d'anthropomorphisme. Il est brûlé puis reconnu comme un grand saint.
- On n'a pas mentionné la métaphysique. Andromices de Rhodes. La métaphysique est un terme de bibliothécaire qui signifie "à la suite du livre de physique". En philosophie la première étude est l'être pour lui-même, l'ontologie, les causes premières.
- Nicolas : Le testin est personnel, le déterminisme est collectif. (...)
Narcisse ne s'admire pas, il ne sait pas que c'est lui. Il n'y avait pas de miroirs, il n'y avait que des surfaces polies, il voyait des images déformées, là il se voit dans quelque chose de limpide. Ca souligne la perception narcissique de l'autre, cet autre qui est moi.
Une nymphe lui a dit "Attention, c'est toi" mais Narcisse est sourd au destin. Il ne faut pas être sourd à son image, il faut se percevoir. En fuyant son image on l'accomplit.
- Gérard : Pour l'Inde la vie est comme une lampe à huile : une partie est donnée par le destin, la quantité d'huile, une partie dépend de notre liberté, le fait de la régler en veilleuse ou à pleine puissance.
- Le but est l'inaction pour échapper au cycle des réincarnations.
- Gérard : L'absence de désir.
- L'extinction de la soif.
- L'ataraxie, l'absence de trouble.
- Pour Spinoza la libération se fait par le savoir. Etre libre c'est connaître les causes qui nous font agir.
- C'est par la connaissance de sa nature que l'homme atteint la liberté. L'homme ne connaît pas les mécanismes qui le gouvernent. La raison et la passion. Il faut être en accord avec la nature, non avec notre imagination. Spinoza rejette le rôle de la volonté. Il ne suffit pas d'accepter l'ordre du monde, il faut le transformer.
- Dans un roman, un scientifique crée des doubles de lui qui chacun explore une voie de lui. De temps en temps ils se rencontre et évaluent leurs chemins.
- La phrase "L'homme est condamné à être libre" me semble incomplète. L'homme est condamné à être libre alors que tous les autres êtres sont déterminés, ou bien l'homme est condamné à être libre sinon il n'est pas un homme.
- Sabine : Se connaître et agir. En réalisant notre liberté on est dans l'engagement.
- Sabine : Le choix devient un fardeau.
- L'homme n'a pour seul destin que la liberté.