Gilles : Je regrette ce qui se passe ce soir, mais je suis intimement
persuadé que c'est une déviance, me semble-t-il, l'absence de responsabilité
des animateurs présents. Dans la charte de naissance de ces cafés philo, c'est
peut-être des philosophes qui ont répondu à cette question.
Et la question était : quel que soit le sujet proposé qui est voté à la majorité,
la question est de trouver la question de la question, autrement dit d'ouvrir
et de sortir de l'immédiateté. Pardonnez-moi, c'est encore un langage.
Ce qui est extraordinaire pour moi, parce que si c'est ça, moi j'ai voté
pour ce sujet, parce que si c'est pour le café débat, moi je dis pas
café débat, moi je dis brèves de comptoir. Si tout un chacun vient ici sans essayer
(...) de ses préjugés moraux, ça sert à rien de venir ici. Si c'est pour
entendre poser une question et trouver une réponse et trouver une réponse
novatrice par rapport à la question, c'est une fausse question.
Si ça ne s'ouvre pas, si ça ne déstabilise pas pour arriver à penser,
ça ne sert à rien, moi je vous dis (...) ça me fait chier, c'est pire qu'un
bistrot où on tchatche et on fait la révolution (...) En ce qui me concerne
pour ce que j'en sais et j'en sais très peu, que 15 ou 20 ans d'autodidacte en
philosophie, je n'en connais aucun qui a projet de société. La seule question
philosophique c'est l'être au monde. Et ça n'est pas un programme politique.
A ma connaissance je ne connais aucun philosophe qui a terminé son oeuvre (...)
qui a fait un programme politique. Ca n'existe pas. Si il fait ça, il
n'est déja plus philosophe. C'est terminé. C'est la négation même de la
perception de la vie. C'est honteux. Et la façon dont même certaines questions
sont posées c'est honteux, c'est anti-philosophique et c'est quand même une bonne
question. Donc il faut creuser cette question pour arriver à la question
de cette question. Quelle est l'angoisse, quel est le rapport au monde ?
C'est penser, c'est pas un programme politique dans la société des hommes.
(...) D'autres sciences sont venues tenter de cerner qu'est ce que c'est
que d'être au monde. (...) Mais ne mélangeons pas les trucs.
Si vous veniez ici pour avoir des réponses à vos questions, c'est pas ici.
Il faut aller à votre choix, je sais pas moi, dans un confessionnal,
n'importe, mais c'est pas méchant quand je dis ça, mais il n'y a pas de
réponse, il n'y a qu'une proposition de réflexion pour gérer vos propres
questions. Et ça sera toujours votre choix personnel, particulier qui, lui,
dans le temps, aura raison, et au travers de son acte l'un ou l'autre le
jugera ou ne le jugera pas (...) Ca c'est le chemin et là, au delà
intervient la démocratie. Mais la politique ici c'est une tentative de percevoir
quel est pour chacun de manière particulière son rapport au monde.
Mais ça ne lui donne pas de réponse (...)
Moktar demande la parole, Gilles continue à parler, brouhaha