Café sciences du lundi 2 avril 2001 au Bar des Oiseaux à Nice
La manipulation : Faut-il croire l'autre ?
Résumé du débat
La manipulation a un sens péjoratif : manipuler c'est
rouler l'autre.
Il y a aussi un sens mélioratif, opératoire, instrumental.
On ne peut communiquer sans manipuler.
Est-ce que nous sommes ce que nous faisons ?
Non, depuis Freud on sait qu'il y a l'inconscient.
Ce que je veux faire s'oppose à ce que je fais.
Dès que je communique, j'ai une action sur l'autre.
Qu'est-ce que c'est que faire confiance ?
A quelle condition s'établit une confiance ?
Denis :
"Communication" est de la même racine que "monnaie".
Ce que nous instaurons dans les cours de psychologie
n'est pas la communication mais à sortir des
impossibilités de la communication.
Nous sommes toujours dans la séduction.
On se demande que me veut l'autre.
La parole est le Big Bang qui permet de traverser le mur
du langage. Le langage est une parole vide.
On ne sait pas ce qu'on dit.
(...)
Denis :
F. Roustan. La fin de la plainte.
La psychologie mène à tout à condition d'en sortir.
Les néo-béhavioristes disaient que la seule chose
mesurable est le comportement observable.
On est constamment dans des rôles.
La vraie communication, c'est quand je suis sans rôle,
la spontanéité.
Est-ce que derrière le rôle il y a quelqu'un qui joue le rôle ?
La psychologie est un immense moyen de manipulation et de pouvoir.
Est-ce qu'il est possible de repérer la manipulation
en jeu dans toute situation de langage ?
La parole n'est pas le langage. Le langage est une situation
de pouvoir. La vraie parole sort du langage. (...)
Quelles sont les certitudes en sciences de la
communication ?
(pause)
Est-ce que entreprendre une communication est dangereux ?
Qu'est-ce que je risque ?
Non, on n'est pas en danger quand on va parler au
boulanger. Il faut arrêter de se branler, on ne risque
rien ici.
Est-ce qu'on a confiance en l'autre ?
Nous avons un corps physique, des émotions, un mental et
un aspect spirituel. Nous avons des intuitions.
Je choisis par ma partie spirituelle qui dépasse
le mental mécanique. L'émotion est floue.
L'émotion n'est pas floue, elle est sexuelle.
Sartre a dit que l'enfer c'est les autres.
C'est aussi être enfermé dans moi.
Est-ce que être modifié par l'autre est un risque ?
Le risque n'est pas seulement négatif.
Denis :
Il y a des risques objectifs, prendre un coup de poing.
C'est pas grave.
Denis :
On risque de perdre la face.
Vous êtes vaniteux. J'ai beaucoup appris en perdant
la face.
Est-ce que ça vous fait avancer de perdre la face devant votre
femme ?
Denis : Oui.
Dans d'autres cultures, on laisse toujours
une sortie pour éviter de perdre la face.
(après une discussion tendue, le participant quitte la salle énervé)
Là, on avait une illustration de la communication
avec risque.
Les copains à l'Ariane n'ont pas les mêmes références.
J'ai l'impression que les experts de la
cybernétique n'ont pas de sensibilité au public.
Vous voulez qu'ils se mettent à votre niveau ?
Oui.
Si tu fais perdre la face à quelqu'un en public, il
ne faut pas atteindre à la fois son narcissisme primaire
et son narcissisme secondaire. (...)
Nous ne parlons pas, nous langageons.
Quand on parle à quelqu'un, on l'aime.
Si quelqu'un nous oblige à parler, on le hait.
C'est toute l'ambiguité de l'amour.
Est-ce que c'est clair, la différence entre langage et parole ?
Il y a eu un incident, il y a eu de la parole, personne
n'a essayé de le retenir. Tu n'étais pas à ton aise.
On voulait avoir une discussion technique.
Il voulait autre chose.
Au théâtre, il y a une technique, on travaille sur les
émotions.
Les choses se déclenchent quand il est parti.
Il nous a livré une parole inaudible car brute donc
irrecevable car non entourée de conventions.
Cette communication authentique n'est-elle pas impossible ?
Il voulait imposer son opinion.
Si c'était ça il serait resté.
Ceux qui n'ont pas les mêmes idées que nous ne
peuvent pas communiquer avec nous.
Est-ce qu'il n'est pas exclus par le manque de
confiance ?
Quand Denis parlait avec ce jeune homme,
je lui ai dit "Tu ne crois pas que tu peux te prendre
une caresse ?".
Quand quelqu'un est agressif avec moi, je lui demande
ce que je lui ai fait de mal, si je ne lui ai rien fait
je lui demande quel est le problème. Il s'arrête.
Je pense que ce jeune homme souffrait.
Il n'y a pas de gens méchants, il n'y a que des gens
souffrant. (...)
C'est une illustration de la double contrainte.
Je pense que c'était un comédien engagé par les
organisateurs de ce débat.
On a vidé la salle de ses habitants. "Nous, on parle
comme ça, si ça ne vous intéresse pas, allez ailleurs."
Il suffit de ne pas répondre agressivement.
On ne sait pas comment répondre, mais il y a
un effet de vérité, ce n'est pas de la manipulation.
La manipulation peut être réelle sans être voulue.
On peut croire que ce qui n'est pas est plus vrai que ce qui est.
Est-ce que ce n'est pas fallacieux de créer un espace public qui
englobe tout le monde ?
Denis : Palo Alto utilise une techniqu d'influence : parler le
langage du patient.
Chaque fois qu'on communique, on prend un risque.
Quand je fais l'amour, je la manipule et j'adore qu'elle me manipule.
La séduction devient de la manipulation quand le séduit
ne dit pas "je suis séduit".