Café philo du mardi 20 avril 2004 à la Contrescarpe à Paris
Sujet proposé par Gunter : Qu'avons-nous que nous n'ayons pas reçu ?
Résumé du débat, d'après le compte-rendu de Geneviève.
- F. : Chomsky pensait que des structures superficielles comme le langage expriment quelque chose de profond sur le mental humain.
- Jacques B. : L'inné comme l'acquis sont reçus. Pour avoir quelque chose que nous n'ayons pas reçu il faudrait qu'il y ait réincarnation et que le monde et les âmes existent depuis un temps infini. C'est une question métaphysique.
- Raymond : Je ne pense pas qu'il y ait une différence entre inné et acquis. Il me semble que tout est reçu. On ne peut pas contrôler exactement ce qui fait l'individu. Il s'imbrique dans telle ou telle situation justement parce qu'on ne sait pas ce que c'est son hérédité. Chez l'homme tout est reçu.
- Marc 1 : Je suis d'accord, tout est reçu. On ne choisit pas de naître sur un trottoir. Selon le pays on a un acquis différent. Dans les pays développés il y a un capital industriel, financier qui fait la richesse alors que là où un capital n'existe pas les choses sont beaucoup plus difficiles.
- Marc 2 : On n'apprend pas, on ne fait que se ressouvenir. On aurait oublié tout ce que l'on sait. On n'apprendrait jamais rien que l'on ne sache déjà.
- F. : C'est le dada de Platon.
- Marc 2 : Ce qu'on va voir, c'est ce qui nous interpelle en fonction de ce que l'on est. Je ne serais plus le même, je ne verrais plus la même chose.
- F. : Il y a une sorte d'affinité élective entre soi et le monde, entre soi et les autres personnes.
- Marie-Paule : L'inné et l'acquis sont reçus mais on choisit les recombinaisons qu'on fait des différents éléments. Chaque fois qu'un scientifique découvre une nouveauté c'est qu'il a combiné.
- Jean-Michel : J'ai envie de mettre en parallèle cette notion de réception avec cette notion d'accueil. Dans cette masse quelle est la part de ce que j'ai reconnu et accueilli ? La dimension de ce qui nous est permis et de ce qui est potentiel en nous.
- F. : On est dans l'ouverture. Le reçu et la reconnaissance. La promesse.
- Alain : Si on n'a rien d'autre que ce qu'on a reçu, les premiers hommes qu'est-ce qu'ils ont fait ? On reçoit plein de choses : la culture, le langage, on négocie avec, on se révolte. L'individu dans l'absolu pour moi ce n'est pas valable. Il y a un décalage cependant qui correspond à notre singularité. Ca donne quelque chose de plus. Qu'est-ce qu'on donne ? Ceux qui ont la chance d'être des créateurs produisent des oeuvres qui apportent quelque chose qui n'avait jamais été dit. Une poésie de Baudelaire sur la ville c'était complètement nouveau à l'époque. La question symbolique serait : "Qu'est-ce qu'on donne ?".
- F. : Négociation... Recomposition... Inné qui viendrait de très loin.
- Jacques B. : Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'on a reçu notre âme. On est une âme qui a un corps. En fonction de quoi est-ce qu'on recombine ? On utilise notre cerveau construit par nos gènes en fonction de notre personnalité construite par notre vécu. La question reste métaphysique : Est-ce que l'âme existe, et si oui, porte-t-elle une part de notre personnalité ou est-elle indifférentiée ?
- Claude : Il y a des valeurs intérieures qui ne sont pas quantifiables. L'espérance à l'intérieur de soi, ce n'est pas l'expérience d'essence. On va faire l'expérience par la perception, par les sensations.
- F. : Qualitatif est différent de non quantifiable. L'innomable.
- Claude : C'est l'expérience que chacun peut faire. L'expérience en soi.
- Jacques D. : Dans cette question il y a la réponse : rien. Ce qu'on a reçu ce n'est pas biologique. Tout ce que nous avons, nous l'avons reçu, alors la question est "Qu'est-ce que nous sommes ?".
Si nous avons tout reçu, nous ne sommes rien.
- Pierre-Yves : Le pouvoir ne se reçoit pas, il se prend. Qu'avons-nous reçu... Je peux avoir des choses que j'ai volées ou des choses que j'ai prises. Dans certaines cultures paranormales des gens volent le droit d'exister. Dans cette littérature fantastique il y a des êtres qui volent le droit d'exister. Dans l'antiquité grecque certains humains volaient le droit de se réincarner dans des animaux. C'était une transgression.
- F. : Qu'est-ce que la nature humaine ? Le philosophe doit s'interroger sur l'insolite.
- Farid : Combinaisons de souvenirs qu'on a hérités. Il fait de nouvelles combinaisons. Les inventions ne se font pas dans n'importe quelles circonstances. Les inventions ont lieu à un moment donné quand la science et la technique ont atteint un certain niveau et qu'un besoin se fait sentir. Si Einstein était en Ethiopie il n'aurait jamais fait ses découvertes.
- F. : Certaines découvertes sont faites simultanément dans plusieurs endroits. Ca rejoint la parapsychologie. C'est une théorie, la morphogénétique.
- Marc 2 : Entre deux incarnations, l'homme a accès à la connaissance. L'âme c'est l'anima, c'est ce qui nous anime, l'intermédiaire entre l'esprit et le corps. Sans ce qui nous est donné on ne serait rien. Par contre nous avons un pouvoir de création dans le plan de la création des univers si on accepte ce rôle. L'homme a refusé ce plan ce qui a entraîné la chute.
- F. : Peut-être on n'a rien reçu, dans ce qu'on n'a pas reçu, il y a un sens à trouver.
- Marc 2 : L'homme incarné, réincarné, expérimente la chute. Il perd son pouvoir de création. Quand il a acquis des choses ce n'est qu'uneréminiscence d'un paradis perdu.
- Marc 1 : Si nous ne recevions rien nous ne serions pas grand chose. "Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé". Claude a parlé d'expérience intérieure , la démarche, le chemin, la voie sont plus intéressants que le but. Pierre-Yves, je ne suis pas sûr de l'avoir compris. L'homme éprouve le besoin de se créer des antécédents, des passages... Les hommes pouvaient se transformer en animaux.
- Alain : Au fond tout ce qu'on a on l'aurait reçu. Un roman. Tout a déjà été dit depuis toujours. L'idée de continuité. Il n'y a plus de coupure. La philosophie grecque fondatrice de civilisation... Il y a eu quand même un acte fondateur. Ca gomme la coupure. Cette question balaye la notion de sujet.
- Geneviève : L'utopie est au centre de la question. On est un peu à côté de la plaque.
- MArie-Paule : 3 mois avant on constate qu'une découverte avait déjà été faite. Il y a eu une recombinaison d'éléments que les uns et les autres avaient.
Il n'y a pas que des idées reçues, il y a des innovations, des créations artistiques. Sont-elles venues ex nihilo ?
- Jean-Michel : Il faut repartir du mot délire qui a pour anagramme délier. Alain a évoqué le fait qu'une partie de ce qu'on reçoit pourrait être conservé. Or tout se transforme. Il y a un ressenti de ce que j'ai, je redonne. Tout recevoir assimile et intègre ce qui... et tout abandonner et ainsi tout renouveler.
- Pierre-Yves : Marc 2 par rapport au plan divin le refus de collaboration à un plan est une transgression. Je pense que je pourrais renverser, refus de collaboration = désir de collaboration. Il est question d'ouverture. Il nous est permis d'aller prendre la possibilité de participation à une certaine démarche...
Les hommes panthères,
ca part d'une démarche de quête de vision, d'identification. Ce n'est pas un désir obcessionnel. C'est une quête volontaire de la quête de sa propre identité... pour devenir un agent des formes.
- F. : Voler. Permis d'aller prendre. Permissivité. La notion d'éthique est avant. C'est qui qui permet ?
- Pierre-Yves : C'est une formule impersonnelle. Il n'est pas question pour moi de me soumettre, savoir si ma route je veux l'ouvrir, mon identité non pas en tant que sujet. Je ne m'estime nullement jeté en dessous. Les verbes passifs ont pour complément l'agent. Sujet verbe complément. Si on renverse les phrases l'agent est un faiseur et il n'est pas placé en dessous.
- Geneviève : Pourquoi réduire la question à l'inné ou l'acquis, et non pas à l'avoir et le non-reçu ? (c'est moins intéressant)
- Jacques : Nous avons une capacité, nous avons des possibilités. On reçoit beaucoup plus que... cette capacité là nous l'avons. Il y a cette capacité à faire de ce que nous recevons en permanence. Je ne suis pas... mais je l'ai perçu. La capacité à réarranger tout ce que nous avons reçu (Marie-Paule) avec plus ou moins de génie.
- Jacques B. : "Nous ne sommes rien" c'est une idée intéressante. Paradoxalement cette idée a quelque chose de rassurant : si nous ne sommes rien, nous ne pouvons pas disparaître. Selon certaines théories ésotériques il y aurait différents corps, mental, astral, éthérique, physique... comme des couches de vêtements qui habillent l'esprit, mais l'esprit nu est peut-être indifférentié.
Je ferais la différence entre 2 types de lois :
- Les lois physiques : à priori on ne peut pas les transgresser, mais selon la physique quantique il pourrait y avoir une sorte de transgression possible car les lois ne sont que des probabilités.
- les lois humaines déterminées par l'Etat qui, selon Max Weber, est un groupe d'êtres humains qui revendique le monopole de la violence sur un territoire. La notion de transgression est ainsi relativisée.
- F. : Les corps magnétiques / inné et langue. Les guérisseurs peuvent redresser le corps magnétique. Par rapport à cette expérience. Le corps magnétique qui dépasse le classique. Cette partie subjective et mystérieuse est-elle innée, acquise, peut-elle se développer ? Qu'avons-nous reçu, que donnons-nous ? Sa possibilité énergétique de transmettre.
- Pierre-Yves : Changement de densité du récepteur de mémoire. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. La filmographie reprend beaucoup de présupposés amérindiens.
- Marc : Des choses en Turquie me sont familières. J'ai retrouvé là-bas des tas de choses dans des dessins, des tapis, alors que dans ma vie quotidienne il n'y en a pas.
- Jacques D. : C'est la culture qui nous fait, selon Sartre. "L'homme est ce qu'il fait de ce qu'on l'a fait". Quelque chose de particulier à l'individu.
- F. : Une sorte de responsabilité.
- Marc 2 : Je ne suis certain que de Jésus Christ.
- Constance : On peut avoir ce qu'on fait. Ce quelque chose est relié à ce qu'on a reçu. Tous les travaux ne sont pas d'une génération spontanée.
- Pierre-Yves : Chimères. Mythologie. Il y a aussi les griffons destructibles par le plomb et l'autre gardien du trésor. La réincarnation c'est une théorie conséquente de la pratique. Il y a une théorie qui interprète les faits en figeant une orientation.
Cerveau statial différent de temporel. Répétition de la prise de chair et non pas la réincarnation.
- Alain : Conditionnement. Héritage. Inné-acquis culture. Qu'est-ce que j'ai ? Le désir. C'est moi qui désire ou c'est quelqu'un qui m'a attibué ce désir ? Tous les choix, les orientations que je prends, le désir est-ce que je le donne ? Est-ce que je l'ai reçu ? Ca transgresse la différence entre avoir et être.
- F. : Avoir et être = passerelle.
- Anne : Je ne vois pas comment ce débat... J'ai du mal à trouver mes marques. Nous sommes en intéraction en permanence. Nous prenons et nous recevons. Le réceptacle c'est l'inconscient. Savoir se dégager. Ca se fait naturellement. Il faut être soi. On transgresse les influences. Savoir se fermer un tant soit peu à ces influences pour passer à autre chose.
- Jean-Michel : Tout se transforme. Est-ce que je suis un corps ?
- Claude : Qu'avons-nous, en nous, conscience de posséder ? Il y a une opposition entre le monde visible qu'on peut expérimenter et le monde invisible., expérience qu'on ne peut faire qu'en nous.
- F. : Le clone serait-il inné ou acquis ? Evidemment il n'y a pas de réponse.
Réflexions de Geneviève
Les fantasmagories des cosmogonies à travers toutes les civilisations ont effectivement beaucoup de points communs, y compris dans la symbolique, dans les concepts-clés, les entités divines, etc. Ca conforterait la théorie du "tout-donné" d'avance. Mais cette fascination de l'origine apaisante comme retourner dans le sein de la mère n'empêche pas une énergie qui se déploie on ne sait vers où. Nietzsche, Hegel penseraient pour se recontracter comme quelque chose de l'ordre du va-et-vient confinant au circulaire. L'Eternel Retour. Mais l'idée du Salut (non pas seulement chrétien) est une échappée à ce destin enfermant.
- Nirvana
- "O grand néant inconnu"
Le saut, la résurrection différente de la réincarnation mais aussi pouvant être percus comme proches. Spatial / temporel. HORS ?
N.B. personnel : Le débat a beaucoup piétiné, l'ambiance était magique : excellente écoute des uns et des autres mais le résultat très limité... suffit de relire mes interventions. Beaucoup de redite. Je pense qu'avoir ramené ce débat à l'inné et l'acquis l'a appauvri. L'inné et l'acquis est un piège en philosphie.
Commentaire de Jacques B.
J'ai trouvé ce débat très mystérieux, intriguant, et exceptionnellement intéressant car c'est un des rares débats dans lequel il y a beaucoup de choses que je n'ai pas comprises. Quand je comprends tout, je n'apprends pas grand chose. Ce débat m'a montré que j'ai encore des choses à apprendre. Plusieurs participants qui ont fait un parcours ésotérique ont soulevé un coin du voile sur ce qui pourrait être tout un domaine de connaissances fascinant, apportant une ouverture nouvelle par rapport aux débats habituels trop souvent enfermés dans le soi-disant rationalisme du savoir officiel.