Conférence-débat de Bruno Giuliani sur le bonheur
Vendredi 18 janvier 2002 au Cyber Emploi à Nice

Résumé

• Bruno Giuliani : Le bonheur est une joie qui nous comble, enlève tout sentiment de manque. Il est facile à définir mais moins facile à atteindre. Les philosophes du bonheur sont rares. Il y a Epicure, Aristote.

  Ce sentiment de joie n'est pas difficile à atteindre à certaines conditions :

  • Il faut atteindre le sentiment de sérénité, se libérer de la crainte, l'inquiétude, l'angoisse, mais non de la peur.
  • Le sentiment d'amour, non pas un attachement affectif mais l'amour au sens pur, une joie d'être en relation avec un autre qui exclut tout sentiment contraire comme la haine qui nous empêche de ressentir la joie de l'amour.
  • Se libérer de la tristesse, ressentir la gaité, la joie de vivre. C'est indépendant des particularités de notre existence.
  • L'enthousiasme lié à la puissance de notre désir, première condition qui conduit à la motivation qui nous fait agir.
  Il faut se libérer des sentiments de crainte, de haine, de ressentiment, de colère, de désir de vengeance, de l'absence de désir, l'ennui.

• Kiko : Je me demande comment on peut être serein. La sérénité est déterminée par rapport à ce qui est autour de soi. Selon Montaigne, si on enlève le mal à l'humanité, on lui enlève l'essentiel.

• Bruno : Pour atteindre cet état, ça ne dépend que de nous. Toute personne peut y arriver. Ca suppose une action personnelle et une purification intérieure contante. Le bonheur est conquis. Je ne dis pas que le bonheur détruit le mal. Ce qui nous rend heureux c'est d'avoir triomphé du mal. Je souffre de voir des gens malheureux mais je n'y peux rien car je ne veux pas leur donner ce dont ils ont besoin. On peut être dans le bonheur si on est entouré de malheur. Il faut se libérer de la pitié, de la sensiblerie, il faut être cruel. Je serai quand même attristé mais j'éprouve quand même de la joie. La cruauté est une forme d'intelligence, de liberté. Si je suis malheureux parce que les autres sont malheureux c'est une faiblesse. Si je suis heureux c'est parce que j'ai l'amour de moi-même. C'est un sentiment lié à la vertu.

• Le bonheur s'identifie au bien, c'est la vie de l'esprit, c'est l'amour de la beauté éternelle, l'harmonie de l'univers.

• Bruno : Vous mettez l'accent sur la contemplation. Il faut se libérer de toute promesse de bonheur dans un idéal. Baudelaire était malheureux parce que c'était un platonicien pour qui le monde était non conforme à un idéal. Il faut suivre Plotin, bien agir, abandonner tout idéal au-delà de la réalité concrète, sensible.

• François : Tout un pan est occulté, c'est la fortune, la chance, ce qui peut nous arriver est occulté. Le bonheur dépend beaucoup d'un certain déterminisme. Le bonheur atteint les gens parce qu'ils ont de la chance.

• Bruno : Ce qui fait le bonheur n'est pas l'évènement mais l'idée que je me fais de l'évènement. C'est plus facile si l'évènement est heureux. L'accès à ce sentiment dépend d'un travail sur soi, un retour en dedans.

• C'est difficile à ramener à l'expérience, c'est un sentiment idéalisé. Le bonheur est global. On doit faire plaisir à autrui, non faire son bonheur. C'est difficile de mettre le bonheur au pluriel ou on le minimise, des petits bonheurs. C'est un paradoxe, pour sentir le bonheur on doit avoir réuni plein de conditions. C'est là la difficulté, c'est un idéal.

• Bruno : Il peut y avoir de grands bonheurs tous différents liés à des qualités particulières. La douleur physique est liée à la tristesse. (...) Je présuppose que je dirige ma vie lucidement. Je vis la vie que j'ai décidé d'avoir.

• Est-ce que le bonheur est état ou sentiment ?

• Sylvie : Tu parles de lucidité. Etre lucide n'implique pas chercher le bonheur.

  (...)

• Bruno : Bien agir et être dans la joie (Spinoza) Il faut faire la différence entre ce sur quoi on peut agir et ce sur quoi on ne peut rien.

• Jacques : Je suis d'accord. Il faut s'adapter aux circonstances. Il faut faire la différence entre les buts et les moyens. L'important est de réaliser ses buts, mais on peut les réaliser par d'autres moyens que ceux qu'on avait planifiés.

• Bruno : L'important n'est pas le but mais la finalité. Le but est dans le futur, la finalité est ici et maintenant. L'important n'est pas que la f^èche atteigne la cible, c'est de bien viser. C'est l'authenticité.

• Etre dans la sérénité n'est-ce pas être dans la joie ?

• Bruno : On peut être à la fois dans la joie et dans la tristesse. La sérénité ne suffit pas, ce n'est qu'une condition.

• Le bonheur n'est-il pas un état de satisfaction du corps, du coeur et de l'esprit ?

• Bruno : Je considère que c'est une seule et même chose.

• Kiko : Le bonheur qu'on nous propose, on doit être heureux et montrer qu'on est dans le bonheur. Il y a un militantisme du bonheur.

• Bruno : La société est une fiction. Il n'y a que des individus. Ils sont victimes d'une idéologie véhiculée par des individus. (...) Selon Epicure, le bonheur est dans l'état de nature.