Café philo du vendredi 12 juillet 2002 au Relais Jussieu à Paris
Sujet proposé par Hélène : Peut-on se fier aux apparences ?
Animé par Jacques Diament
Votes
- 2 La dépendance
- 5 Quelles sont les raisons qui stoppent le dialogue ?
- 5 Comment distinguer le vrai du faux ?
- 6 Peut-on se fier aux apparences ?
- 5 La vérité que l'on tait devient vénéneuse.
Introduction d'Hélène
Les gens réagissent selon leur état d'âme, selon qu'ils sont en bonne santé ou ont des soucis. Il faut rester lucide, se méfier de notre imagination. Il faut fréquenter des gens positifs.
Tour de table
- Didier : Il faut parler de réalité. Qu'est-ce qui peut justifier le réalisme ?
- Farid : Nos sens ne peuvent pas tout appréhender.
- Jacques : Les apparences sont trompeuses car le monde est complexe, et certaines personnes dissimulent volontairement la réalité.
- Robert : Je me méfie des apparences. Dans l'art de se mentir à soi-même nous somme tous très doués.
- Le soleil semble tournet autour de la terre, alors que c'est la terre qui tourne autour du soleil.
- Maya : Les apparences sont souvent trompeuses.
Commentaire de l'animateur
Faut-il opposer l'aspect à la réalité ?
Les apparences sont plus simples que le monde réel qui est complexe.
Il faut une énergie supplémentaire pour voir cette complexité. On ne voit pas tout. Parfois on a intérêt à se fier aux apparences. Le pervers pourrait dire : "Je suis un salaud, je vais me conduire comme un salaud pour que les gens pensent que je ne suis pas un salaud". Ca me fait penser à une blague :
- Où vas-tu .
- A Varsovie.
- Je sais que tu vas à Varsovie, pourquoi me dis-tu celà pour me faire croire que tu n'y vas pas ?
Est-ce que dans ce que je fais paraitre quelque chose ne correspond pas à mon moi réel ? On peut tromper une personne plusieurs fois, ou tout le monde une fois, mais on ne peut pas tromper tout le monde plusieurs fois.
Résumé du débat
- Jacques B. : Il faut faire la différence entre ne pas se fier aux apparences et se fier au contraire des apparences.
Quand quelqu'un nous semble bien, on peut à priori le considérer comme quelqu'un de bien tout en gardant dans un coin de sa tête l'hypothèse qu'il pourrait ne pas être aussi bien qu'il ne paraît..
On a opposé les apparences à la réalité. On peut aussi opposer la théorie à la réalité.
- Jacques D. : Qu'est-ce que la réalité ? N'est-ce pas les apparences ?
- Jacques B. : Nous ne percevons que les apparences, et nous percevons des régularités dans ces apparences. Par "économie" on peut supposer que ces apparences ne sont pas le réel mais qu'elles sont le développement d'un germe plus petit qui pourrait être le réel. C'est comme la compression de données. Le fichier non compressé serait les apparences, le fichier compressé le réel. On construit un modèle mathématique le plus simple possible qui tente d'approcher le réel.
Quand on dit que c'est la Terre qui tourne autour du soleil, c'est dans le cadre d'un tel modèle élaboré à partir de ce critère de simplicité maximale : les trajectoires des planètes sont plus simples avec le soleil au centre. Mais ce n'est qu'un critère parmi d'autres. On peut choisir d'autres critères. Par exemple, pour les hommes d'église à l'époque de cette controverse, la simplicité de la théorie n'avait pas d'importance, l'important était de placer l'homme et donc la Terre au centre de l'univers. Quand on dit que la vérité c'est que c'est la Terre qui tourne autour du soleil, c'est parce qu'on utilise implicitement ce critère de simplicité maximale.
- Michel : Il existe un modèle dans lequel la Terre tourne autour du soleil. On peut en construire un autre dans lequel le soleil tourne autour de la Terre. Mais on ne peut pas dire que la Terre ne tourne pas autour du soleil.
- Jacques D. : Il y a quand même un critère qui permet de dire que c'est la Terre qui tourne autour du soleil : le soleil est plus massif.
- Jacques B. : Et pourquoi ça devrait être le plus massif qui est au centre ?
- Jacques D. : C'est une loi de la physique.
- Jacques B. : Si tu invoques les lois de la physique, tu parles de la théorie, du modèle mathématique et non du réel.
- Jacques D. : Je parle de la réalité.
- Jacques B. : Ce que tu appelles la réalité, c'est un modèle.
- Jacques D. : Ce genre de relativisme intégriste permet de dire que les nazis sont des braves types, de leur point de vue.
- Jacques B. : Oui.
- Jacques D. : Je ne suis pas d'accord.
- Barbara : Je vois que le soleil tourne autour de la Terre.
On peut se fier aux apparences. Quelqu'un qui ne sait pas rester dans un cadre... on n'a pas le choix, on est obligé de se fier aux apparences.
- Jacques D. : La simplicité maximale, le principe d'économie... Quand on a vu quelque chose comme ça la prochaine fois on le voit de la même façon. Une tomate rouge éclairée avec une lumière rouge-orangé, on la voit grise ou verte mais on la reconnait. Le cerveau rétablit la réalité.
- Barbara : Le modèle c'est le monde des idées de Platon.
- Didier : Il y a plusieurs concepts d'apparence. Quelqu'un qui est fort en orthographe verra des fautes que quelqu'un qui n'est pas fort en orthographe ne verra pas. On ne voit pas le mouvement de A vers B.
- Jacques D. : Quelle est la valeur de la vérification d'une apparence ? Qu'est-ce qui prouve que la vérification est valable ?
- Quand on entre aux USA les policiers demandent "Avez-vous l'intention de vendre de la drogue ?". La peine est réduite si on plaide coupable.
- Jacques D. : Aux USA il y a des magazins sales avec des marchandises entassées n'importe comment. Les magazins luxueux de la cinquième avenue, c'est le début de la tromperie. C'est le puritanisme américain. L'apparence n'a aucune valeur. Le vendredi on travaille en costume de week-end. On s'appelle par le prénom. Pour empêcher une apparence satanique on crée une apparence misérabiliste, on fait croire que c'est naturel.
- Pierre : Il y a une primauté de la réalité contre l'apparence, l'idée que la réalité est préférable à l'apparence quand l'apparence n'est pas la réalité. L'apparence est quelque chose de réel sinon qu'est-ce que la réalité ? Est-ce que c'est le cerveau qui nous fait percevoir ?
- Jacques D. : Alain Prochian disait que le danseur pense avec ses pieds. C'est une image.
- Barbara : Je pense qu'on trouve ce qu'on cherche.
On n'a pas le temps de réfléchir si c'est bien ou pas de se fier aux apparences.
Quelqu'un qui braque une banque avec un pistolet d'enfant est condamné autant qu'avec un vrai pistolet.
- Didier : Par extrapolation, il y aurait quelque chose d'infiniment stable qui serait la réalité. Cette capacité de procéder par abstraction ne serait-elle pas un aspect du langage dont il faudrait se défaire ? On catégorise par le langage de façon conceptuelle. Il fautse garder d'aller trop vite.
- Jacques D. : On veut avoir des casiers tout prêts, les gentils, les méchants. Ca permet d'économiser l'énergie, si à chaque fois on devait faire table rase... On n'a pas toujours le temps.
- Didier : La dichotomie apparence - réalité est peut-être un pseudo problème philosophique, mais un vrai problème pratique.
- Jacques D. : Et en philosophie pratique ? Instinctivement on met des étiquettes.
- Didier : Il faut bien distinguer l'aspect pratique d'un éventuel problème philosophique que ça poserait par rapport à la Réalité. On ne peut pas passer la cinquième vitesse s'il n'y a que quatre vitesses. Dans quels cas pratiques ça pose un problème ?
Est-ce que le problème de l'apparence et de la réalité m'a posé problème ?
- Simone : La complexité de la réalité... l'apparence peut ne pas être trompeuse.
- Robert : Les gens adorent se fier aux apparences.
- Barbara : Est-ce que à partir des apparences on peut déduire sur le contenu ? Le fait culturel : dans certaines cultures l'apparence est très importante, on peut jouer dessus. Si on veut vendre quelque chose il ne faut pas porter de bijoux, il faut avoir une apparence modeste.
- Jacques D. : Le code aux USA : le directeur en chemise mais avec une cravate. Ils sont aussi englués dans les problèmes de relations hiérarchiques bien que l'apparence n'est pas la même.
- Marie-Paule : Deux éléments sont liés, le couple objet - celui qui regarde.
Un individu n'est pas une seule chose. Tous les individus peuvent avoir toutes les facettes à la fois. Il n'y a pas plus sympa qu'un escroc. S'il n'est pas sympa, il faut qu'il change de métier. Il est sympa et en plus il vous escroque.
- Mireille : Certains ne vivent qu'en fonction des apparences.Je ne peux pas dire qu'ils ont tort. Parfois je me dis que la vie n'est faite que d'apparences. Il y a une apparence et une réalité qui évolue dans le temps, des facettes qui se révèlent. Il faut savoir vivre l'instant. D'autres préfèrent projeter.